Le président colombien Gustavo Petro a demandé dimanche aux membres du congrès de se pencher sur la légalisation du cannabis récréatif via une nouvelle proposition de loi. Ce n’est pas la première fois en effet que Gustavo Petro saisit la chambre sur la question de la légalisation, qui constitue selon lui la meilleure solution pour fragiliser notamment les structures des guérillas qui se financent grâce au trafic illicite.
En Colombie, un pays longtemps réputé pour ses trafics de stupéfiants en tout genre et la délinquance y afférent, le chanvre médical a été légalisé en 2015, autorisant les scientifiques et eux seuls à en cultiver et à faire de l’import-export à des fins exclusivement thérapeutiques. En ce qui concerne le cannabis récréatif, le gouvernement colombien l’a décriminalisé en 2012, autorisant la possession jusqu’à 20 grammes et la possibilité pour les particuliers de faire pousser 20 plants au maximum à leur domicile. Une décision qui a eu pour effet d’abolir la peine d’emprisonnement de 64 mois prévue pour les consommateurs. Sept ans plus tard, en 2019, la Cour constitutionnelle a même statué sur la consommation publique de cannabis et annulé son interdiction. En revanche, l’achat et la vente de marijuana demeurent interdits et passibles de poursuites, tout comme la possession d’une quantité supérieure à 20 grammes qui est considérée comme du trafic et punie d’une peine de prison substantielle.
Investi à la présidence de la république colombienne le 7 août 2022, Gustavo Petro considère la légalisation du cannabis comme une excellente solution pour réduire l’apport financier des cartels et des groupes paramilitaires, encore nombreux à travers le pays. Dès son investiture ou presque, le président colombien a présenté devant le congrès un premier projet de loi dont l’objectif principal était de réglementer la consommation de cannabis pour les personnes majeurs, mais il s’est heurté à l’opposition des groupes conservateurs suffisamment influents pour faire avorter cette première initiative. L’année suivante, en 2023, Gustavo Petro a récidivé avec un nouveau document proposant la légalisation de la marijuana, cette fois-ci agréé par la Chambre des Représentants (chambre basse du Congrès), mais rejetée par le Sénat. Un second échec qui a mis en exergue les divisions qui règnent au sein de l’exécutif et des représentants du peuple sur l’épineux sujet du cannabis récréatif.
Pour la troisième fois depuis le début de son mandat en 2022, le président colombien soumet au Congrès une proposition destinée à légaliser le cannabis récréatif.
Dimanche dernier, donc, le président colombien a récidivé, profitant de l’arrestation d’un ponte du trafic international. La semaine dernière, la police colombienne a en effet capturé à Barranquilla, dans le nord du pays, le trafiquant belge d’origine marocaine Namoussi Mounir, soupçonné d’être l’agent de liaison entre le célèbre « Cartel des Balkans » d’Europe de l’Est et plusieurs cartels sud-américains parmi lesquels le Clan du Golfe, l’un des gangs colombiens les plus actifs. Cette intervention spectaculaire menée en collaboration avec plusieurs agences internationales de lutte contre la criminalité a conduit Gustavo Petro devant le Congrès pour la troisième fois, avec une nouvelle proposition orientée cette fois-ci vers la légalisation du commerce et de la production du cannabis récréatif par des entités privées. Une initiative qu’il a justifié sur son compte X par ces mots : « Je demande au Congrès colombien de légaliser la marijuana pour sortir de cette culture de la violence. L’interdiction de la marijuana en Colombie n’apporte que de la violence. »
Selon plusieurs observateurs et notamment des responsables associatifs, cette nouvelle demande risque de demeurer lettre morte, comme les précédentes. Le chef de fils des conservateurs, Christian Garcès, a ainsi rejeté presque aussitôt cette nouvelle tentative du président, qui a toutefois pu compter sur plusieurs personnalités pour l’appuyer, notamment Daniel Carvalho, le représentant à la chambre ou encore Alejandro Ocampo, président de la Commission des drogues du Congrès de la République et accessoirement auteur de plusieurs projets de loi sur la réglementation du cannabis. Du côté du ministère de la Justice, le scepticisme est également de mise, d’aucuns craignant que la légalisation n’entraîne chez les plus jeunes, la consommation de drogues plus dangereuses. En Colombie, le trafic illicite de cannabis génère des revenus annuels estimés à 2,5 milliards de dollars et entraîne une délinquance qui fait de nombreuses victimes. Selon un récent rapport, quelque 12 000 Colombiens sont actuellement en prison pour des infractions liées au trafic ou à la possession de cannabis.