Une semaine en dents de scie pour le cannabis français qui a connu successivement une bonne et une mauvaise nouvelle. La première concerne le chanvre thérapeutique dont la situation semble évoluer favorablement, alors que le CBD vient quant lui de connaître une petite déconvenue d’ordre sanitaire malgré les études toujours plus nombreuses décrivant ses bienfaits. Revue de détail.
Commençons par les bonnes nouvelles avec un nouveau prolongement de l’expérimentation sur le cannabis médical, débutée voilà plus de trois ans, en mars 2021 et qui avait pris fin en mars 2024 avant de se voir prolongée jusqu’au mois de décembre de la même année. Ceci, au grand dam des centaines de patients qui participaient au programme et dont les protestations avaient finalement contribué à infléchir la position des autorités, ces dernières accordant une seconde prolongation jusqu’à l’été 2025. Le ministre de la Santé Yannick Neuder a finalement annoncé cette semaine que l’expérimentation bénéficiait d’un nouveau délai d’un an, jusqu’au 31 mars 2026, ceci afin « qu’aucun patient ne subisse une rupture de traitement en attendant la publication de textes officiels autorisant l’usage du cannabis thérapeutique. » Lors d’un débat au Sénat au milieu du mois, le ministre avait également encouragé « l’émergence d’une filière, beaucoup d’industriels étant intéressés par ces nouvelles voies thérapeutiques. »
Au cours de cette réunion sénatoriale, Yannick Neuder avait aussi évoqué dans son agenda du mois de mars « l’envoi à la Commission européenne d’une notification sur le cannabis thérapeutique pour en instaurer le cadre juridique temporaire », concernant son autorisation et sa production. Une notification qui a finalement été adressée à la Commission mercredi dernier par le ministère de la Santé et que M. Neuder a qualifié de « nouvelle étape pour le développement d’un accès encadré et sécurisé au cannabis médical en France. » Concernant le cannabis récréatif en revanche, le ministre reste fermement opposé à sa légalisation, comme il l’a rappelé devant les sénateurs : « Ma position demeure par contre très claire et très ferme sur le non au cannabis récréatif. » En février, le ministre de la santé nommé à ce poste en décembre dernier avait déjà déclaré sur les ondes de Sud Radio qu’il était « hors de question de légaliser le cannabis récréatif, même pour un usage personnel. »
La prolongation d’un an de l’expérimentation sur le cannabis thérapeutique pourrait conduire à sa légalisation en 2026.
Il avait justifié sa position par le fait qu’évoquer la seule légalisation du cannabis « troublait le message, car le gouvernement menait un combat contre toutes les drogues et le narcotrafic et que le ministère de la Santé avait prévu de lancer une campagne sur la santé mentale et les effets délétères de l’addiction aux drogues dont le cannabis, qui est la plus largement consommée ». Yannick Neuder avait également repris la vieille antienne sur le tremplin que constituerait le cannabis vers les drogues dures comme l’héroïne, ce qu’aucune étude sérieuse n’est pourtant parvenue à démontrer et qui n’est pas corroborée par les faits dans les pays où la marijuana été légalisée. En résumé, la voie vers la légalisation du cannabis récréatif demeure solidement cadenassée dans l’Hexagone et il est peu probable que la création d’un encadrement juridique pour le chanvre thérapeutique conduise à modifier la position des autorités françaises, ces dernières ayant déjà tergiversé pendant de longues années sur la question médicale.
Parallèlement à cette avancée sur le cannabis médicinal, dont la situation peut toutefois encore évoluer dans les mois à venir de manière moins favorable, le CBD a connu quant à lui un petit revers ce vendredi, via un communiqué de l’Agence nationale de Sécurité sanitaire (Anses). Cette dernière a en effet proposé de classer le cannabidiol comme un produit « présumé toxique pour la reproduction humaine ». Cet organisme avait été chargé en 2023 « d’engager des travaux de classification harmonisée du CBD à la demande de la Direction générale du travail, afin de se mettre en conformité avec la réglementation européenne sur la classification des substances (CLP) » et s’était aperçu à cette occasion « qu’aucune évaluation des risques sanitaires n’était disponible », comme le rapportent nos confrères de France Info. Cette classification souhaitée par l’Anses découle de différentes études menées notamment sur des animaux et démontrant en particulier des effets néfastes sur le développement du fœtus.
Publiée en février 2025 dans le magazine scientifique The Lancet, une étude canadienne menée par des chercheurs de l’Université d’Hamilton avait ainsi décrit « une altération du remodelage de l’artère spirale maternelle chez des souris exposées au cannabis et à une perturbation de la production de facteurs angiogéniques des cellules immunitaires ». La consommation orale de THC ou d’huile de CBD avait également entraîné « une altération significative de la croissance fœtale avec des conséquences durables dépendantes du sexe, car la progéniture masculine présentait une agressivité et une activité métabolique altérées, tandis que les femelles avaient un apprentissage spatial altéré ». L’étude avait donc conclu que « la consommation orale d’huile de CBD ou de THC pendant la grossesse chez la souris nuit au fœtus en développement et provoque des changements de comportement après la naissance ». Faisant écho à ces résultats, l’Anses a donc proposé « la classification du CBD comme toxique pour la reproduction, catégorie 1B, indiquant qu’il peut nuire à la fertilité et au fœtus ».