AccueilInterviewsCharles Morel : Avocat au barreau de Paris

Charles Morel : Avocat au barreau de Paris

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Charles Morel : « La phase de ruée vers l’or vert est terminée, voici l’heure de la professionnalisation »

Dynamisé par la jurisprudence Kanavape, le marché du CBD a connu à partir de 2018 une croissance rapide qui semble aujourd’hui marquer le pas. Véritable essoufflement ou baisse de forme passagère, la réponse avec Charles Morel, avocat au barreau de Paris et président de l’Union des Professionnels du CBD (UPCBD).

Si le marché du CBD a pu être vu comme une nouvelle poule aux œufs d’or, il semble que les réalités économiques aient rattrapé bon nombre d’entreprises mal préparées, dont beaucoup ont fermé boutique assez rapidement. Pouvez-vous nous dire si c’est également le constat que vous faites ?

Nous avions procédé à un recensement complet des boutiques en septembre 2021 et étions parvenus au chiffre de 1 800 boutiques spécialisées (CBD shops). Dans les mois qui ont suivi, le rythme d’ouverture de ces commerces est resté élevé. Il semble effectivement que nous ayons atteint un plateau, et cette pause, dont il est encore à ce stade difficile de prédire la durée et l’issue, résulte de plusieurs facteurs conjoncturels et structurels. L’inflation galopante, la rétraction du pouvoir d’achat et la guerre en Ukraine ont évidemment contribué à freiner l’activité, le CBD étant un produit de confort et de bien-être qui est relégué au second plan lorsque les besoins vitaux sont eux-mêmes difficiles à satisfaire. Enfin, de nombreux acteurs – buralistes, pharmacies, grande distribution, plateformes en ligne… – ont fait peser une forte pression concurrentielle, tout en popularisant et en banalisant le CBD, ce qui peut à long terme favoriser le développement de notre filière mais peser négativement à court terme sur les CBD shops. Enfin, il y a des boutiques qui ont pu commettre des erreurs de positionnement, de localisation géographique, de qualité de produit ou de service ou qui sont confrontées à des accidents de parcours. Cela correspond à un taux quasiment incompressible d’échec commercial et de fermeture, comme dans tout secteur économique. Nous allons mettre à jour notre recensement de boutiques avant la fin de l’année, ce qui nous permettra d’y voir plus clair sur la réalité et l’ampleur de ce ralentissement. Néanmoins, les nouvelles filières professionnelles sont toujours suivies d’un réajustement qui intervient après la phase de croissance exponentielle. C’était le cas pour la Vape, ce sera nécessairement le cas pour le CBD. La phase de ruée vers l’or vert est terminée, nous entrons dans une phase de professionnalisation.


Se peut-il aussi que l’intérêt du public ne soit finalement pas aussi important que cela ? 

Concernant l’intérêt du public, je pense qu’il est là et qu’il est durable, à condition de construire une offre exigeante qui réponde à une demande exigeante – qualité des produits, traçabilité, transparence sur la composition, mise en avant des produits les plus naturels et d’origine française, qualité des conseils dans le respect de la réglementation applicable. À l’UPCBD, nous travaillons à ces problématiques pour inscrire la filière dans la durée. À nous de transformer l’engouement initial en attachement durable. Il y a bien sûr une régulation qui s’opère, en notant que, en l’absence totale de soutien bancaire, nos acteurs ne fonctionnent que sur leurs fonds propres, ce qui est un élément de fragilisation. Nous devons donc sortir les acteurs du CBD du statut marginal dans lequel ils se trouvent à l’égard des établissements bancaires en particulier et des opérateurs institutionnels de manière générale.

Avez-vous des indications chiffrées ou des évaluations comparatives sur la situation économique actuelle de la filière CBD ? Les prévisions de croissance importantes des années précédentes vous paraissent-elles toujours d’actualité ?

Nous estimons que la filière CBD génère en France environ 2 milliards d’euros et 25 000 emplois. Quant aux perspectives de croissance, elles sont conditionnées, en partie par le contexte économique global encore incertain, mais surtout par la décision que le Conseil d’État, attendue dans les prochaines semaines, rendra sur le fond pour confirmer – comme nous l’espérons – ou infirmer la suspension de l’arrêté du 30 décembre 2021 par une annulation définitive.


Pouvez-vous nous en dire plus sur ce fameux arrêté, contre lequel l’UPCBD s’est rapidement dressée ?

L’arrêté du 30 décembre 2021 qui prévoyait l’interdiction de la fleur, a été suspendu le 24 janvier en référé par le Conseil d’Etat. Cette interdiction s’est accompagnée d’un discours mensonger de la part des pouvoirs publics, et en particulier du ministre de l’Intérieur, sur la nocivité des fleurs de chanvre CBD, discours ne reposant sur aucun fait établi et contredisant toutes les études sur le sujet. Nous avons dû faire face à une désinformation d’État, qui a pu désorienter, au moins provisoirement, certains consommateurs et qui justifie tous les efforts que nous avons déployés pour informer le grand public.


Quelles sont d’après vous les solutions réalistes pour que le marché du CBD puisse accéder à une professionnalisation capable d’assurer sa pérennisation ? 

Il existe toute une série de dispositifs possibles ou déjà en œuvre : charte professionnelle (l’Union des professionnels du CBD s’en est pourvue dès sa création), labels de qualité, mécanismes de certification sur la traçabilité et la composition des produits. Nous travaillons avec les autres syndicats professionnels sur ces sujets, et avons signé avec le SPC et l’AFPC, qui représente la filière des cannabiculteurs, un engagement pour mettre en place une filière française, allant du producteur au consommateur. Nous mettons également en place une formation certifiante auprès de France Compétence.


D’une manière générale et à partir des éléments en votre possession, comment-voyez-vous l’avenir de la filière, êtes-vous plutôt optimiste ?

Il reste des chantiers majeurs liés à la mise en place d’une règlementation exhaustive, claire et pragmatique, tant à l’échelle nationale que française, mais nous sommes optimistes car nous nous appuyons sur des bases saines et une volonté claire de nos adhérents : une molécule dont les nombreux bienfaits sont documentés, issue d’une plante dont les vertus agronomiques et écologiques répondent aux défis de notre temps, une professionnalisation qui s’accélère et s’amplifie, une part toujours croissante de la population qui s’intéresse aux produits CBD (10 % aujourd’hui) avec une marge de progression encore importante, et une stratégie nationale favorisant des produits naturels et français, une complète traçabilité et des circuits courts.

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