Légalisés par l’État du Ghana au cours de l’été 2023, le cannabis médical et le chanvre industriel suscitaient alors beaucoup d’espoirs pour l’économie du pays. Pourtant, vingt mois se sont déjà écoulés et rien n’a vraiment bougé, au grand désespoir de la Chambre de l’industrie du Cannabis, qui vient de lancer un appel solennel au gouvernement afin d’accélérer la mise en place d’une réglementation claire.
Président de la Chambre de l’industrie du Cannabis ghanéenne (Cannacham), le Dr Mark Darko ne ménage pas ses efforts pour promouvoir la plante dont il a la charge. Depuis 2024, il multiplie en effet les appels du pied pour que le gouvernement rédige enfin une charte économique et établisse des règles pour que le cannabis puisse réellement prendre son envol au Ghana. Au mois de septembre dernier, la Chambre avait déjà organisé un forum international sur le cannabis dans la capitale, Accra, avec le soutien notamment d’une mission gouvernementale agricole israélienne. Celle-ci faisait écho aux propos que l’ambassadeur de l’État hébreu avait tenus en 2023, lorsqu’il avait exhorté le gouvernement ghanéen à légaliser le cannabis médical et proposé aux Ghanéens de bénéficier de la technologie de pointe israélienne dans le domaine. En janvier, le docteur Darko remettait le couvert en appelant une nouvelle fois les autorités du pays à prendre à bras le corps et en urgence le développement du cannabis.
En ce début du mois de mars, c’est cette fois-ci sous la forme d’un document d’orientation envoyé aux responsables gouvernementaux que le président de la chambre a réitéré ses demandes en insistant sur plusieurs points essentiels, avec au premier chef la création de nombreux emplois à travers le pays. Le cannabis est qualifié dans le document de « ticket d’or » pour l’économie ghanéenne, dans une période de déclin du cacao, dont le pays est le second exportateur mondial derrière la Côte d’Ivoire. En effet, les recettes liées à l’exportation du cacao ont chuté drastiquement l’année dernière, la production passant en seulement une année de 656 140 à 530 000 tonnes, soit une perte de 25,4 %, ce qui ne s’était pas produit depuis 20 ans selon les dires du ministre de l’Agriculture Eric Opoku. Un véritable drame économique pour le Ghana, puisque la filière du cacao représente 3,5 % du PIB et emploie quelque 800 000 personnes à travers tout le pays.
Avec une prise en main adéquate, la filière du cannabis pourrait à long terme remplacer celle du cacao.
Les conséquences financières sont d’autant plus lourdes que le gouvernement avait engagé auprès de créanciers étrangers un prêt de 800 millions de dollars destinés à l’industrie du cacao, dont il ne peut honorer le remboursement dans les conditions actuelles. La mise en place d’un vaste programme de soutien à la culture du cannabis pourrait donc constituer une excellente solution pour relancer cette économie défaillante et engranger des bénéfices substantiels, le document de la Chambre plaidant même pour le remplacement à moyen terme de la filière du cacao par celle du cannabis. Dans ce cadre, le Dr Darko qui a supervisé le rapport recommande l’accélération de la réglementation et l’instauration rapide d’un cadre juridique et administratif pour les licences, ainsi que la création d’un pôle dédié à la recherche et au développement sur le cannabis. Avec une prise en main adaptée, la culture du cannabis pourrait créer une véritable révolution économique au Ghana, insiste le document.
« Contrairement au cacao qui souffre d’une fluctuation des prix dictée par les acheteurs étrangers, le cannabis offre des prix élevés et des flux de diversification des produits pour les marchés locaux et internationaux » justifie l’exposé de la chambre. Le climat du Ghana est en outre l’un des plus favorables au monde pour la culture du cannabis, qui pourrait générer à court terme plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires et des dizaines de millions en recettes fiscales et douanières pour le pays. L’essentiel désormais est de passer à l’action et d’attirer le plus possible d’acteurs privés en créant pour cela les conditions nécessaires qui passent en premier lieu par le réveil des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, chargé de délivrer les licences et les autorisations. Le docteur Mark Darko espère que le document envoyé à tous les responsables concernés fasse rapidement bouger les lignes, d’autant que le pays est désormais au pied du mur sur le plan économique.