Une récente enquête américaine révèle que la consommation de cannabis a drastiquement augmenté chez les seniors au cours des cinq dernières années, pour atteindre un niveau encore jamais observé. Un phénomène qui inquiète les autorités de santé, même s’il semble bien que cela concerne majoritairement le chanvre thérapeutique ou de la marijuana utilisée dans un but plus médical que récréatif.
« La consommation de cannabis chez les personnes âgé a atteint un niveau sans précédent ». C’est la conclusion d’une enquête menée conjointement par deux équipes de chercheurs issues de la San Diego School of Medicine en Californie et de la NYU Grossman School of Medicine sise à New York. L’étude publiée cette semaine dans la revue scientifique JAMA Internal Medicine portait sur 15 689 personnes âgés de 65 ans et plus, interrogées sur leurs habitudes de consommation. Parmi celles-ci, 7 % ont déclaré consommer du cannabis de façon régulière ou ponctuelle. Un chiffre multiplié par 7 en 20 ans, puisque seuls 1 % des seniors confessait un tel usage en 2005. La proportion avait déjà quadruplé en 2018 avec 4,2 % de consommateurs, augmentant régulièrement les années suivantes (4,8 % en 2021, puis 5,2 % en 2022). En plus de cette utilisation accrue de la marijuana, les chercheurs ont également mis en exergue une consommation plus importante chez les femmes que chez les hommes.
Si le chiffre de 7 % peut paraître modeste, il n’en révèle pas moins une forte augmentation qui représente 46 % entre 2021 et 2023, soit en seulement deux ans et rien ne semble indiquer une quelconque stabilisation, bien au contraire. Dans le détail, l’étude a fourni d’autres informations sur cette consommation des seniors et notamment sur leur position sociale, révélant dans ce domaine une inversion de la tendance. En effet, alors que le cannabis était davantage consommé aux USA par des personnes issues de milieux défavorisés ou peu instruites il y a encore vingt ans, c’est désormais le contraire avec une majorité d’utilisateurs possédant un diplôme universitaire et disposant d’un revenu annuel d’au moins 75 000 dollars. D’autre part, les consommateurs du troisième âge sont souvent mariés, sont atteints de maladies chroniques et résident dans des États où le chanvre thérapeutique a été légalisé, sans grande surprise sur ce dernier point, puisqu’il est évidemment plus facile de s’en procurer sans avoir à parcourir parfois de longues distances.
La plupart des pays où le cannabis thérapeutique est légal constatent une forte augmentation de son utilisation chez les personnes âgées.
Les chercheurs expliquent ce changement de tendance justement par la légalisation et un accès facilité aux produits cannabiques dont les coûts parfois élevés peuvent plus facilement être absorbés par les personnes bénéficiant de meilleurs revenus et qui n’avaient pas pour habitude de se fournir sur le marché illégal. La croissance spectaculaire de la consommation ne semble guère étonner les professionnels de santé ou les associations comme le NORML qui informe et soutient les droits des consommateurs de cannabis et leur accès à la santé. « ll n’est pas surprenant qu’un pourcentage croissant d’adultes considèrent le cannabis comme une option viable pour leur vieux jours, a ainsi déclaré Paul Armentano, directeur adjoint de l’association. De nombreuses personnes âgées sont aux prises avec la douleur, l’anxiété, les insomnies et d’autres problèmes que les produits à base de cannabis peuvent parfois améliorer. La plupart des personnes âgées sont également conscientes des effets secondaires parfois graves associés aux médicaments disponibles sur ordonnance, comme les opiacés ou les somnifères, et ils considèrent le cannabis médical comme une alternative pratique et potentiellement plus sûre ».
Cette observation est partagée par une grande partie des spécialistes et pas seulement aux États-Unis, mais également dans d’autres pays du monde où le cannabis médical est autorisé et où l’on observe de manière identique une consommation en hausse des personnes âgées. Néanmoins, aucun étude statistique suffisamment rigoureuse ne vient attester du fait que la consommation de cannabis par les seniors est plus thérapeutique que récréative, même si de précédentes enquêtes ont montré que c’était bien le cas pour ce qui concernait les produits à base de cannabidiol. Si la plupart des personnes âgées semblent avoir une vision plutôt positive du cannabis, selon les données d’une vaste enquête américaines menée en 2024, les professionnels de santé mettent tout de même en garde sur les dangers de son utilisation, en particulier chez les plus vieux. En effet, une consommation abusive, inadéquate ou mal maîtrisée pourrait entraîner des complications dans la gestion de certaines maladies chroniques.
Ceci, alors que l’utilisation chez les seniors est principalement associée à ce type de maladies et notamment la bronchopneumopathie obstructive chronique (BPCO), qui pourrait représenter jusqu’à 13,5 % de la consommation de cannabis à elle seule. Parmi les autres maladies principalement concernées par la prise de produits à base de cannabis par les personnes âgées on trouve le diabète, l’hypertension, la sclérose en plaques ou encore les cancers et d’autres affections dont la plupart ont justement en commun leur forme chronique. Les auteurs de l’étude recommandent ainsi aux professionnels de santé de prendre en compte les fragilités des consommateurs du troisième âge : « Compte tenu des changements physiologiques et des maladies chroniques, l’organisme des personnes âgées est plus sensible aux effets néfastes du cannabis et cela est susceptible d’entraîner des complications qui peuvent nécessiter des soins médicaux aigus. Les cliniciens devraient donc envisager de dépister et d’éduquer en amont les patients âgés sur les risques potentiels de consommation de cannabis ».
