Au Japon, le cannabis était totalement prohibé voilà encore un an, les contrevenants risquant jusqu’à cinq ans de prison. Ce n’est qu’à la toute fin de l’année 2023 que le chanvre thérapeutique a pu enfin bénéficier d’une réforme législative autorisant la distribution sur le territoire de produits médicaux à base de cannabinoïdes. Les lois ont en revanche été durcies pour le cannabis récréatif, ce qui n’a manifestement pas eu d’effet sur la consommation qui a atteint des records l’année dernière. Le gouvernement compte néanmoins sur les nouvelles règles entrées voilà à peine un mois pour mettre un terme à cette recrudescence.
C’est le général Mac Arthur qui avait interdit le chanvre au Japon en 1948, lors de l’occupation du pays par les forces américaines après la Seconde Guerre mondiale. La plante était utilisée auparavant depuis des lustres dans l’artisanat et si les autorités japonaises, une fois l’envahisseur parti, ont à nouveau autorisé l’utilisation du chanvre à des fins industrielles, ils ont maintenu les lois de prohibition visant le cannabis médical et récréatif pendant les 75 dernières années. Ce n’est que très récemment, en décembre 2023, que le chanvre thérapeutique a finalement été autorisé pour traiter certaines affections comme l’épilepsie ou les douleurs chroniques. Une légalisation qui peut paraître tardive, mais qui n’en demeure pas moins marginale sur le continent asiatique où le cannabis médical n’est licite que dans quatre pays, dont seulement deux tolèrent également la consommation de loisir. Le revers de cette libéralisation, c’est que les lois concernant le cannabis récréatif ont quant à elles fait l’objet de mesures encore plus restrictives.
Les législateurs ont tout d’abord mis fin à une faille juridique qui permettait de consommer légalement du cannabis, alors que sa possession, sa culture et sa vente étaient strictement interdites. Ce paradoxe apparent était en fait une précaution prise par les autorités pour ne pas que les cultivateurs de chanvre industriel se mettent hors la loi en inhalant accidentellement de la fumée, par exemple lors d’opérations de traitement de la plante. Désormais, la consommation est elle aussi totalement prohibée, le cas d’une inhalation fortuite demeurant exceptionnelle et traitée au cas par cas. Dès le début de la réforme, le texte prévoyait également un durcissement des sanctions et notamment un allongement de la peine d’emprisonnement portée à sept années. Il aura néanmoins fallu une année entière avant que ces lois n’entrent en vigueur au milieu du mois dernier. Quant au taux légal de THC, le Japon est un des pays le plus restrictifs avec un seuil maximum fixé à 0,001 %, ce qui réduit drastiquement les possibilités commerciales en matière de CBD, légal dans le pays depuis 2016.
Les délits liés à la possession de cannabis ont augmenté de 20 % au Japon entre 2022 et 2023, mais l’année 2014 devrait battre tous les records.
Les produits full spectrum sont évidemment exclus au profit des préparations broad spectrum qui ne contiennent quant à elles aucune trace de THC et les consommateurs japonais ne peuvent bénéficier du fameux « effet d’entourage » qui apporte de nombreux bénéfices. Si le gouvernement nippon a mis un coup d’accélérateur aux lois de prohibition du cannabis malgré le fait que 1,4 % seulement des Japonais reconnaissent en avoir déjà fumé, c’est parce que de nombreux juristes et professionnels de santé s’inquiètent de l’augmentation substantielle de la consommation, en particulier chez les jeunes. Ainsi en 2023, la police a traité presque 6 500 affaires liées au cannabis, ce qui représentait 20 % de plus que l’année précédente, avec une majorité de jeunes gens âgés de moins de 21 ans (jusqu’à 80 % selon les villes). Et les chiffres de 2024 qui n’ont pas encore été officiellement révélés s’annoncent encore bien plus importants. Si les autorités semblent confiantes dans l’efficacité des nouvelles mesures, ce n’est pas le cas de nombreux experts qui suggèrent de renforcer l’information sur les dangers du cannabis en direction des plus jeunes.
Certaines associations, notamment sportives, ont déjà sauté le pas en organisant des séminaires à destination des étudiants, la marijuana étant particulièrement consommée dans les universités et n’épargnant aucun secteur, pas même le milieu sportif qui a connu en 2023 de retentissantes affaires de trafic et de possession de cannabis au sein même d’établissements scolaires. Pour faire écho à la demande des spécialistes et des éducateurs, le ministère de l’Éducation a donc émis une recommandation incitant tous les collèges et lycées japonais du premier cycle à organiser au moins un atelier annuel pour informer les élèves et les sensibiliser sur les dangers du cannabis et des drogues en général, mais aussi sur les lois en vigueur et les modifications y afférent. S’il est difficile de prévoir aujourd’hui les conséquences de toutes ces nouvelles mesures, l’interdiction claire de la consommation devrait avoir un impact significatif, puisque 30 % des contrevenant arrêtés par la police affirmaient en 2020 que l’absence de sanctions pour les consommateurs constituait un encouragement à fumer du cannabis.