Présent sur le plateau de France Info Matin jeudi dernier, le maire écologiste de Grenoble Éric Piolle a été invité par les journalistes à évoquer la situation du trafic de drogue dans la ville qu’il dirige et à donner son avis sur le cannabis en France, prêchant notamment pour la tenue d’un référendum sur le thème de la dépénalisation et de la légalisation.
Maire de Grenoble depuis plus de dix ans, Éric Piolle a souvent pris des positions controversées sur les sujets les plus divers. On se souvient notamment de l’affaire du birkini en 2022, que Piolle avait autorisé dans les piscines publiques de la ville, ou encore six ans plus tôt de la fresque dénonçant des violences policières, subventionnée par la mairie. C’est cette fois-ci pour parler principalement de drogue et de l’état alarmant du trafic en France qu’Éric Piolle était invité sur le plateau de la chaîne publique France Info. Interrogé par Salhia Brakhlia et Jérôme Chapuis sur l’explosion de la consommation de cocaïne, le maire de Grenoble a d’abord reconnu que cette drogue commençait à poser un certain nombre de problèmes dans sa ville : « Même si je n’en ai jamais vu moi-même, on en voit les traces dans l’espace public avec les points de deal, les nuisances pour les services publics qui ont de plus en plus de mal à opérer dans ces secteurs (…). Il faut trouver un modus vivendi avec les dealers et nous voyons que c’est de plus en plus difficile, car nous avons maintenant affaire à des multinationales organisées. »
« C’est vraiment une exploitation de la pauvreté, a poursuivi Éric Piolle, mais aussi, au-delà de la partie récréative, d’un mal-être de la société où il faut se déstresser avec le cannabis et rester dans la performance avec la cocaïne. » Questionné ensuite sur la montée du trafic à Grenoble, considéré par d’aucuns comme une « petite Marseille », et les responsabilités y afférent, le maire a évoqué une « responsabilité collective de toute la chaîne », comprenant les acteurs politiques, mais aussi les parents : « Nous devons lutter férocement contre le narcotrafic, mais aussi pour l’émancipation des jeunes en leur proposant des solutions en-dehors du monde de la drogue comme nous tentons de le faire, même si nous ne pouvons éviter que certains basculent. (…) Notre système social a lui aussi une responsabilité, de laisser ce narcotrafic prospérer. Les ministres de l’Intérieur successifs, en refusant tout dialogue sur la dépénalisation, le contrôle de la production, la légalisation, ont pu faire de la lutte contre la drogue un véritable fonds de commerce. »
L’inefficacité de la répression que tout le monde constate depuis des décennies doit inciter les décideurs à se tourner enfin vers la légalisation.
Il a également jugé que les mesures de répression systématiques n’avaient jamais fait la preuve d’une quelconque efficacité, sinon d’éviter que les habitants ne ressentent un sentiment d’abandon :« Ces mesures sont une goutte d’eau et une absence de vision stratégique, a ainsi taclé Éric Piolle. S’il n’y a pas une réelle volonté de s’attaquer au problème, de réitérer sans cesse les mêmes opérations spectaculaires qui ne conduisent qu’à des échecs, si les gouvernements n’ont pas ce courage là, moi je les invite à aller vers un référendum sur la dépénalisation, la légalisation du trafic de drogue, cela créera un débat. Le président de la République a dit plusieurs fois qu’il souhaitait demander leur avis aux Français et bien je propose qu’il prenne l’initiative de faire un référendum sur le sujet et de le traiter avec hauteur, plutôt que de s’embourber sans cesse dans les mêmes polémiques. » Une déclaration du maire de Grenoble qui a fait réagir les journalistes, jugeant qu’elle manquait de nuance en évoquant la « légalisation du trafic de drogue ».
Jérôme Chapuis a ainsi appuyé sur le fait que la légalisation ne pouvait concerner que le cannabis et non la cocaïne évoquée depuis le début de l’interview, auquel cas un référendum ne changerait rien au problème du narcotrafic. Tout en accréditant le fait que sa proposition ne concernait bien que le cannabis, Éric Piolle a également contre-attaqué en objectant : « Le narcotrafic, si vous lui enlevez le cannabis, c’est 50 % du chiffre d’affaires qui disparaît. Aucune entreprise, même mafieuse, ne peut survivre à une telle perte. » Il a également balayé la réflexion de Salhia Brakhlia s’inquiétant d’un report vers des drogues plus dures : « Sortons de notre schéma français ! Nous regardons sans cesse les Allemands pour les questions économiques, mais l’Allemagne a légalisé le cannabis ! Nous sommes toujours dans ce schéma qui voudrait qu’en pratiquant toujours la même politique, on espère tout à coup les résultats changent. C’est absurde ! » « La répression ne fonctionne pas, donc il faut légaliser ? » a alors résumé son interlocutrice.
« Ce diagnostic est porté par tout le monde, a conclu Éric Piolle, je ne suis pas le seul à le dire. On est obligé de constater que la consommation augmente et que ça ne fonctionne donc pas du point de vue de la santé publique ; sur la récidive, nous sommes à 50 %, ce qui signifie que la solution carcérale ne fonctionne pas non plus. Du côté de la police ce n’est pas mieux, les agents vivent cette répression comme une perte de sens vis-à-vis de leur métier qui exige de plus en plus de chiffres et de quotas alors qu’ils appréciaient avant de créer du dialogue, de faire de l’ilotage et donc de servir à la régulation sociale. Maintenant ce n’est plus que de la répression, dont le résultat revient à écoper la mer à la petite cuillère. Quant aux arguments de Gérald Darmanin qui affirme que les dealers ne deviendront pas du jour au lendemain d’honnêtes commerçant déclarant scrupuleusement leur chiffre d’affaires, je dis qu’il se trompe, probablement de manière volontaire, le narcotrafic étant son fonds de commerce, comme je l’ai déjà dit. »