En grande difficulté financière, l’État de Pennsylvanie pourrait se voir forcé de recourir à la légalisation du cannabis récréatif pour combler son déficit. Le sujet est sur la table depuis déjà plusieurs années, mais n’avait encore jamais passé le cap des déclarations et des projets de loi. Cette fois-ci, la situation alarmante des finances à de bonnes chances de servir activement le combat des nombreux défenseurs de la cause cannabique…
Au nord de la Côte Est des USA, coincé entre New York et Washington, l’État de Pennsylvanie jouit d’une position géographique intéressante, notamment sur le plan commercial avec des millions de clients potentiels. C’est ce que doivent actuellement penser les autorités, à l’heure où la situation des finances de leur État clignote en rouge et que des décisions importantes vont devoir être prises pour y remédier. Parmi celles-ci, la légalisation du cannabis récréatif qui n’a jamais pu aboutir malgré les diverses propositions et réunions entre administration et industriels de la filière. L’État a pourtant déjà franchi un premier pas voilà bientôt dix ans, lorsqu’il a légalisé en avril 2016 le chanvre thérapeutique. Certes, il a fallu attendre encore presque deux ans avant que les dispensaires spécialisés ne commencent à vendre leurs produits aux patients bénéficiant des autorisations nécessaires, mais pour cette première année de commercialisation, le chiffre d’affaires a atteint la somme honorable de 57 millions dollars, traduisant les besoins importants de la population.
Les chiffres de vente on régulièrement augmenté, jusqu’à atteindre quelque 1,2 milliard de dollars en 2021, puis 1,5 milliard deux ans plus tard et les chiffres de 2024 qui ne sont pas encore connus devraient battre des records. L’achat de cannabis médical nécessite un certain nombre de documents (attestation médicale validée, certificat de médecin et carte de patient délivrée par les autorités) qui constituent un passage obligatoire pour les 440 000 patients qui en font régulièrement usage pour traiter quelque 25 pathologies différentes. Cela représente environ 4 % de la population de l’État, qui peut se tourner vers un des 1 900 professionnels de santé agrées pour obtenir les différents sésames. Le cannabis récréatif demeure quant à lui interdit jusqu’à aujourd’hui, même si plusieurs villes, parmi lesquelles les deux plus peuplées de l’État, Philadelphie et Pittsburgh, l’ont décriminalisé localement. Cela fait même plus de dix ans, depuis 2014, que Philadelphie ne poursuit plus les possesseurs et consommateurs de weed, mais inflige au maximum une amende de 25 $ en cas de possession inférieure à 30 g.
Avec la promesse d’un chiffre d’affaires frisant les 3 milliards de dollars en un an, la légalisation du cannabis récréatif pourrait participer dans une large mesure à la réduction du déficit des finances de Pennsylvanie.
Dans le reste de l’État, la possession, la vente et la consommation de cannabis récréatif demeurent interdites. Pour une possession égale ou inférieur à 30 g, la sanction est de 30 jours de prison et 500 $ d’amende, portée à 1 an de prison et 5 000 $ d’amende pour une possession supérieure à 30 g. Tout cela pourrait donc être abrogé cette année avec l’annonce très attendue d’une légalisation du cannabis récréatif qui permettrait grâce aux taxes sur les ventes de combler la majeur partie du déficit de l’État, désormais supérieur à 3,7 milliards de dollars. Ancien procureur général de Pennsylvanie et gouverneur depuis 2023, le démocrate Josh Shapiro est très favorable à cette légalisation et s’est récemment engager à la défendre devant les législateurs de l’État lors de son discours annuel sur le budget, le 4 février prochain. L’industrie du cannabis en a évidemment profité pour enfoncer le clou et organiser une collecte de fonds pour soutenir le gouverneur dans son initiative.
Les professionnels de la filière lui ont également signalé que 60 % des achats effectués dans les boutiques des États voisins (Ohio, Maryland et New Jersey) concernaient des produits originaires de Pennsylvanie, ce qui représente un manque à gagner substantiel pour les finances de l’État. Pourtant, selon les observateurs, la Pennsylvanie est probablement l’État le mieux préparé à accueillir une légalisation du cannabis récréatif avec ses nombreux atouts démographiques et touristiques, ou encore ses universités prestigieuses. Les infrastructures liées au cannabis médical constituent un autre point fort avec plusieurs dizaines d’entreprises de production de marijuana déjà installées et plus de 185 dispensaires susceptibles d’élargir leur champ commercial. Ouvrir le marché à des millions de clients adultes potentiels entraînerait d’après les spécialistes une croissance presque immédiate des finances de l’État, avec des ventes dont le chiffre d’affaires pourrait dépasser les 2,8 milliards de dollars en moins d’un an.
Avec une taxe sur les ventes fixée à 6 % et une taxe d’accise de 15 % pour un produit récréatif, les recettes fiscales dépasseraient quant à elles les 212 millions de dollars. Une véritable manne qui pourrait être largement exponentielle en attirant les populations des États voisins et en établissant une réglementation claire et adaptée. Il reste toutefois à passer les barrières idéologiques dressées de longue date par une partie des législateurs de l’État, majoritairement républicains, qui refuse toujours de valider ce projet de légalisation. L’arrivée de Trump et les promesses de légalisation fédérale de son ministre de la Santé Robert Kennedy JR pourraient toutefois faire bouger les lignes. Autre élément important, l’arrivé à la présidence de la commission « Law and Justice » du Sénat de l’État, chargée des affaires de drogue, du sénateur républicain Daniel Laughlin, lui aussi très favorable à la légalisation du cannabis. Un faisceau d’événements positifs qui pourraient bien conduire la Pennsylvanie à compter parmi les États ayant légalisé en 2025.