À l’instar de son voisin français, le Royaume-Uni a toujours eu avec le cannabis un rapport conflictuel, même si la répression et les sanctions y sont moins sévères, surtout depuis la déclassification de la plante en 2001. Le CBD quant à lui, est à peu près dans la même situation juridique qu’il l’était en France avant 2021, sauf que la Grande-Bretagne n’est plus dans l’Union européenne et que les professionnels ne peuvent donc plus s’appuyer sur la législation de l’UE. Néanmoins, l’espoir d’une légalisation claire revient avec l’annonce d’une nouvelle feuille de route pour les produits au cannabidiol.
En Grande-Bretagne, le cannabis est interdit depuis bientôt 100 ans, lorsque le royaume a ratifié en 1928 la Convention internationale relative aux Stupéfiants établie trois ans plus tôt à Genève et qui faisait suite à la Convention internationale de l’Opium, signée quant à elle à La Haye en 1912. Pendant presque 75 ans, rien n’a vraiment bougé, sinon quelques modifications des sanctions qui se traduisaient pour les possesseurs de cannabis par des amendes et une peine maximale de 5 ans de prison. Ceci jusqu’en 2001, lorsque le secrétariat d’État recommande de déclassifier le cannabis pour le rétrograder de la classe B à la classe C du Misuse of Drugs Act. Cette loi établie en 1971 range les stupéfiants dans trois catégories selon leur degré de nocivité, ceux de la classe A étant considérés comme les plus dangereux. Même si la déclassification a permis d’alléger les sanctions en plafonnant la peine de prison à deux ans et en réduisant les amendes, cela n’a guère eu d’impact sur le trafic ou la consommation.
La loi de 2001 a également permis l’usage « légitime » de « drogues contrôlées » divisées en cinq annexes déterminant la manière de les utiliser. Une réglementation plutôt complexe, qui a tout de même eu pour conséquence intéressante de déboucher sur la légalisation du cannabis thérapeutique dix-sept ans plus tard. Depuis 2018 et après une simplification de la loi de 2001, le chanvre médical peut donc être prescrit par un professionnel de santé dans certaines circonstances. Une légalisation accouchée dans la douleur, à la suite de plusieurs études démontrant que le cannabis était particulièrement efficace pour traiter certaines affections et notamment des formes graves d’épilepsie juvénile. Le ministère de l’Intérieur n’en avait pas moins manifesté sa désapprobation, affirmant que le gouvernement réexaminerait cette légalisation à l’aune d’études plus approfondies et sur la démonstration à moyen terme de l’efficacité réelle du cannabis. Un rapport de 2020 a permis de confirmer les effets bénéfiques du chanvre, qui n’a toutefois jamais vraiment séduit les thérapeutes, souvent réticents à le prescrire.
Les premiers produits autorisés au CBD pourraient être disponibles sur le marché britannique au printemps 2025.
Pour ce qui concerne le CBD, le Royaume-Uni est resté pendant des années sur une ligne à peu près identique à celle de la France, refusant de faire la différence entre le cannabis à taux élevé de THC et ce qu’il est convenu de désigner sous le nom de chanvre, c’est-à-dire du cannabis avec un taux de THC très faible et notamment destiné à un usage industriel. Ainsi, à l’instar de notre « affaire Kanavape », la Grande-Bretagne a connu quant à elle en 2019 une « affaire Uncle Herb » lorsqu’un couple de commerçants qui importait des fleurs de CBD italienne s’est retrouvé dans le collimateur de la justice. Le pays de Shakespeare appartenait alors à l’Union européenne et le couple de Britanniques agissait donc en toute bonne foi, puisque le CBD circulait librement à travers l’UE. La justice de sa Majesté n’a hélas rien voulu entendre et il a fallu au couple de nombreux recours avant que la Cour d’Appel leur donne enfin raison presque quatre ans après, au début de l’été 2023, reconnaissant la libre circulation du chanvre dans les pays de l’Union. Une décision qui n’a pas été remise en question, malgré le fait qu’elle arrivait bien après le Brexit et la sortie du pays de l’UE…
Comme en France, cette affaire a même fait plutôt jurisprudence, permettant à la filière du chanvre de continuer à travailler, même si aucune loi ne vient accréditer l’usage légal du CBD. C’est dans ce contexte que le régulateur chargé de la question des stupéfiants a annoncé cette semaine une nouvelle feuille de route pour les produits contenant du CBD, avec en perspective une autorisation officielle de vente. Cette annonce fait suite à différentes demandes d’examen des professionnels de la filière ayant reçu des évaluation positives, ce qui a conduit la Food Standards Agency (FSA), responsable de la sécurité et de l’hygiène des aliments dans tout le Royaume à envisager une consultation publique de huit semaines au début de l’année prochaine, avant de lancer un appel aux ministres pour obtenir leur approbation. Dans le cadre de cette consultation, les professionnels de la filière pourront enfin exprimer leurs inquiétudes et évoquer la nécessité d’établir un cadre légal pour le CBD au Royaume-Uni, dont l’absence jusqu’à aujourd’hui a largement nui à leur économie.
Afin que les premiers produits au CBD soit officiellement accrédités au printemps 2025, les différentes parties doivent encore s’accorder sur cinq principes comprenant la sécurité des consommateurs, l’équilibre entre la sécurité publique et les intérêts des consommateurs et des professionnels, la conformité des produits, l’application de la loi et la confiance des consommateurs dans la sécurité alimentaire. Pour bénéficier d’une autorisation, les produits devront normalement contenir moins d’un milligramme de THC, mais d’autres propositions ont déjà été faites comme un étiquetage obligatoire précisant la dose journalière admissible et des restrictions de vente pour les mineurs de 18 ans, même si la FSA note dans un récent rapport que le CBD ne présente pas de risque particulier pour la santé d’un adulte avec, une prise de 10 mg par jour. Une réunion du conseil d’administration de la FSA est prévue à Londres le 11 décembre prochain, au cours de laquelle les différentes étapes du processus d’autorisation des produits au CBD devraient être précisées.