De nombreuses femmes à travers le monde souffrent de dysménorrhée, mot qui fait le délice des cruciverbistes, au contraire de celles qui en sont les victimes, puisqu’il désigne tout simplement les crampes menstruelles, parfois très douloureuses. Une nouvelle étude prometteuse pourrait néanmoins conduire à un traitement naturel efficace contre cette affection, fondé sur l’utilisation du cannabis et la médecine ayurvédique.
Médecine traditionnelle de l’Inde depuis plus de 4 000 ans, l’Ayurvéda repose sur l’idée que toute maladie découle d’un déséquilibre des forces vitales de l’organisme et sa pratique inclut des manipulations corporelles, des conseils nutritifs, de la méditation, mais aussi l’utilisation de nombreuses plantes. Si cette médecine est considérée en Occident comme alternative, peu efficace, voire dangereuse, des millions d’Indiens y ont quotidiennement recours et les écoles d’enseignement de l’Ayurvéda ont pignon sur rue à travers une grande partie du sous-continent indien. Plusieurs entreprises parfois très importantes fabriquent également des produits dont la composition se fonde sur les remèdes ancestraux de l’Ayurvéda, mais avec des moyens et des contrôles sanitaires rigoureux pour garantir l’innocuité et l’efficacité des traitements. C’est dans ce cadre que des chercheurs de l’Amrita School of Ayurveda, sise à Clappana, dans l’État du Kerala, au sud-ouest de l’Inde, ont découvert les bienfaits du cannabis sur la dysménorrhée.
Les scientifiques de l’Amrita School ont en effet eu l’occasion d’évaluer la sécurité et l’efficience d’un nouveau produit développé par la compagnie indienne Hemp Street, spécialisée dans la fabrications de produits médicaux. Baptisé
« Formulation Femme », ce traitement à base de bambou, de racines et contenant un peu moins d’un milligramme de THC était destiné à lutter contre les douleurs menstruelles. Pour mener à bien l’évaluation de ce produit, les chercheurs ont convoqué un panel de 300 personnes, dont 26 ont été quotidiennement suivies tout au long de l’essai clinique et jusqu’à son terme. Parmi les participantes à l’étude, la moitié avait l’habitude d’utiliser des antiinflammatoires pour calmer ses douleurs menstruelles et seulement quatre utilisaient des remède ayurvédiques. Les 26 volontaires ont reçu un comprimé de « Formulation Femme » à prendre deux fois par jours pendant quatre jours, avec la consigne de décrire et d’évaluer quotidiennement leurs douleurs. Toutes étaient atteintes au début de l’étude d’une dysménorrhée très sévère.
Des millions de femmes à travers le monde pourraient bénéficier de traitements à base de cannabis pour soulager efficacement les douleurs liées aux règles.
Les chercheurs ont ensuite mené une analyse détaillée des différentes données et témoignages et ont décrit une réduction substantielle des douleurs et symptômes de la dysménorrhée. Alors que les volontaires ne pouvaient pour la plupart mener à bien de simples tâches quotidiennes à cause de la douleur, le nouveau traitement leur a permis d’en retrouver rapidement la capacité sans avoir à utiliser d’analgésiques ou d’antiinflammatoires. Si l’équipe de l’Amrita School a souligné le potentiel prometteur de ce nouveau traitement, elle reconnaît toutefois les faiblesses de l’étude et notamment la petite taille de l’échantillon et l’absence d’un groupe témoin. Les auteurs ont néanmoins conclu que : « Cet essai de phase 1 fournit de solides preuves préliminaires à l’appui de la sécurité, de l’efficacité et de l’acceptabilité de Formulation Femme dans la gestion de la dysménorrhée. La formulation représente un progrès significatif dans les soins de santé menstruels, offrant une alternative non psychotrope, basée sur l’Ayurvédique aux thérapies conventionnelles. »
Ils ont également suggéré que « Des recherches plus poussées devraient se concentrer sur des essais plus vastes et contrôlés afin de valider davantage ces résultats et d’explorer l’intervention complémentaire du mode de vie. » De précédentes études menées notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis avaient déjà démontré l’efficacité des produits à base de cannabis. Plusieurs médicaments destinés à soulager les règles douloureuses et contenant des doses significatives de CBD avaient ainsi été testées avec succès sur des patientes sévèrement atteintes. Là encore, la faiblesse de l’échantillonnage n’avait pas permis d’apporter des conclusions définitives sur les bienfaits du cannabis et son universalité dans le traitement de la dysménorrhée, mais les faisceaux d’indice recueillis depuis plusieurs années pourraient conduire à des études de grande envergure et la fabrication de produits efficaces et naturels, susceptibles d’apporter une solution définitive aux souffrances récurrentes de millions de femmes.