Une récente étude américaine met en lumière la chute des ventes de médicaments destinés à combattre l’anxiété et la dépression, dans les États où le cannabis médical et récréatif bénéficie d’un statut légal. Il apparaît en effet que les patients délaissent les préparations chimiques au profit des produits naturels à base de chanvre qui pour la plupart d’entre eux, ne nécessitent aucune ordonnance et se révèlent tout aussi efficaces.
Alors que de plus en plus d’États légalisent le cannabis aux USA, il se pourrait bien que cela ne fasse pas les affaires de l’industrie médicale, comme le démontrent de récentes investigations menées par une équipe de chercheurs de la Georgia Institute of Technology sise à Atlanta, en Géorgie. Dirigée par le professeur en sciences appliquées Ashley Bradford, spécialiste de « l’étude des comportements à risques et de la consommation de substance » l’enquête était destinée au départ à « mesurer l’impact des lois de légalisation du cannabis et la création de dispensaires assurant sa distribution, sur le taux de remplissage par les patients des ordonnances médicamenteuses contre l’anxiété, parmi les personnes disposant d’une assurance médicale privée. » Une description alambiquée que l’on peut en réalité résumer en quelques mots : quelles sont les conséquences de la légalisation du cannabis pour certains secteurs de l’industrie pharmaceutique ?
Afin de couvrir le plus largement possible les domaines de l’anxiété et de la dépression, les chercheurs d’Atlanta ont ciblé un vaste panel de médicaments comprenant les « benzodiazépines » comme le Valium ou le Xanax, mais aussi les antipsychotiques, destinés à traiter les symptômes de la psychose et les antidépresseurs utilisés pour soulager les effets néfastes des troubles dépressifs en agissant sur les neurotransmetteurs comme la dopamine ou la sérotonine. L’étude a également inclus les barbituriques et les somnifères, même si aucune estimation spécifique n’a été faite sur l’impact de la légalisation du cannabis concernant ces deux dernières catégories de médicaments. À partir des données réunies par les scientifiques, ceux-ci ont pu constater que l’accroissement du cannabis légal était associé à une réduction significative des ordonnances concernant les benzodiazépines, « récupérées par les patients plutôt que rédigées par les médecins ».
L’utilisation de cannabis pourrait aider à réduire le nombre de décès par surdose d’opioïdes, qui constitue aux USA une véritable problème de santé publique.
L’étude précise que ce « calcul est basé sur le taux de patients individuels qui ont fait remplir une ordonnance dans un État, du nombre moyen de jours d’approvisionnement par ordonnance et du nombre moyen d’ordonnances remplies par patient ». Elle ajoute que tous les États ayant légalisé ne sont pas concernés par ces réductions d’ordonnance et qu’il n’est pas établi que cet abandon de la médication par les patients au profit du cannabis ait eu un impact sur le bien-être des patients. Du côté des antipsychotiques et antidépresseurs, les chercheurs ont en revanche découvert dans un certain nombre de cas, une légère augmentation de leur prescription, même si quelques États accusaient a contrario une baisse de leur distribution. Des variations qui pourraient être dues selon les chercheurs au contenu des lois propres à chaque État et à la rigueur de leur application. Les conclusions concernant la chute des ordonnances de benzodiazépines demeurent néanmoins les plus importantes selon l’équipe d’Atlanta.
Les médicaments associés à ce groupe sont effet ceux qui génèrent le plus d’effets secondaires nocifs et leur prescription concerne quelque 5 % d’Américains, soit environ 16 millions de patients. Un chiffre élevé qui met en lumière l’importance des différentes études menées sur l’efficacité du cannabis dans le traitement de l’anxiété, puisque cela pourrait non seulement améliorer les conditions de vie des patients, mais aussi réduire drastiquement les effets secondaires des médicaments. Les conclusions de l’enquête conduite par Ashley Bradford, publiées dans la revue médicale JAMA Network Open insistent ainsi sur « l’importance de ses implications pour les systèmes d’assurance, les prescripteurs, les décideurs politiques et les patients (…). Étant donné le niveau élevé d’intoxications aux opioïdes impliquant également les benzodiazépines (en 2020, elles représentaient 14 % du total des décès par surdose d’opioïdes), ses résultats offrent des indications sur la substitution potentielle par la marijuana des médicaments dont l’usage abusif est plausible. »
Rappelons qu’aux USA, le cannabis médical et récréatif est aujourd’hui autorisé dans 24 États et le cannabis thérapeutique, dans 39 États sur 50. Parmi les 11 États où toutes les formes de cannabis demeurent interdites, certains ont toutefois tacitement dépénalisé la plante en mettant fin aux sanctions pour la possession de petites quantités. D’autres États comme la Géorgie, justement, ou encore le Wisconsin et le Texas ont décriminalisé la consommation de cannabis uniquement dans certaines villes, la culture restant quant à elle interdite. Des référendums sont également prévus cette année dans plusieurs États autorisant déjà le chanvre thérapeutique et où la population sera appelée à voter pour ou contre la légalisation du cannabis récréatif. Les observateurs estiment qu’au moins quatre États pourraient rejoindre en 2025 les 24 autres États où le cannabis est légal sous toutes ses formes.
