Opposé à la candidate démocrate Kamala Harris, l’ancien président Donald Trump a récupéré le fauteuil du bureau ovale le 5 novembre dernier, qu’il occupera à nouveau pour quatre ans à partir du 20 janvier 2025, auréolé cette fois-ci d’une large victoire. Quelles seront les conséquences de cette élection pour le cannabis et sa légalisation éventuelle au niveau fédéral ? Voici quelques éléments de réponse.
Les élections présidentielles américaines ont largement relancé le débat sur la légalisation fédérale du cannabis récréatif, qui divise depuis longtemps les États-Unis. Si le sujet était naguère essentiellement porté par les démocrates, ce n’est plus vraiment le cas désormais et de plus en plus de voix républicaines se font entendre en faveur de la légalisation ou à tout le moins de la dépénalisation du cannabis. Durant la campagne électorale, la question est revenue plusieurs fois sur le tapis, avec des réponses plutôt favorables de chaque côté de l’échiquier politique. Et il semble bien qu’il ne s’agisse pas uniquement de promesses de campagne, si l’on en croit les dernières nouvelles en provenance du nouveau monde, à commencer par les récents propos de Robert Kennedy JR, nommé secrétaire d’État à la Santé et aux services sociaux par Donald Trump (même si cette nomination n’a pas encore été approuvée par les sénateurs à l’heure où nous écrivons).
Le neveu du président assassiné en 1963 a ainsi détaillé un plan de lutte contre la toxicomanie qui prévoit entre autres la légalisation du cannabis et des substances psychédéliques. On y apprend qu’une part des recettes fiscales pourrait servir à financer les programmes de soins et de convalescence, en prenant exemple sur la communauté italienne de San Patrignano. Créée en 1978 par Vincenzo Muccioli, ce phalanstère qui a plusieurs fois suscité la polémique et s’est même attiré les foudres de la justice, a pour vocation de porter une assistance gratuite aux toxicomanes. Pour traiter leur addiction, les membres de la communauté pratiquent notamment des travaux agricoles variés, ce qui s’est révélé efficace dans la majorité des cas en conduisant à une guérison définitive.
Robert Kennedy qui a souvent émis de vives critiques à l’encontre des programmes thérapeutiques actuels, envisage donc quant à lui la création de centres dédiés au traitement de la toxicomanie inspirés par San Patriognano, où les participants seraient invités à cultiver des produits biologiques, mais aussi à pratiquer l’élevage et à prendre soin des animaux domestiques. Selon le futur secrétaire d’État, un tel environnement permettrait aux anciens drogués de se débarrasser de leur addiction dans un cadre propice à leur guérison physique et psychologique. Afin de mener à bien ses projets, le futur ministre de la Santé prévoit en premier lieu la décriminalisation du cannabis au niveau fédéral, tout en laissant chaque État décider des réglementations à adopter, comme c’est le cas actuellement. Les psychédélique seraient également concernés par la légalisation.
La légalisation du cannabis au niveau fédéral pourrait bien se produire sous la seconde mandature de Donald Trump
Kennedy compte exploiter les bénéfices thérapeutiques de ces substances, notamment dans le domaine des douleurs chroniques et de la dépression, plutôt que de les ostraciser pour leurs effets délétères. Il a également affirmé qu’il soutiendrait les réformes bancaires en faveur de l’industrie du cannabis et notamment le SAFE Banking Act, qui « interdit à un organisme de réglementation bancaire fédéral de pénaliser une institution de dépôt pour avoir fourni des services bancaires à une entreprise légitime liée au cannabis. » L’aval de Donald Trump paraît déjà acquis pour Robert Kennedy puisque l’ancien président s’est montré plutôt favorable à la décriminalisation fédérale du cannabis et a même soutenu la légalisation en Floride, contre le gouverneur républicain Ron DeSantis.
Il faut en effet souligner que tout le monde ne voit pas ces velléités de légalisation d’un très bon œil au sein du camp républicain. Ainsi, certains membres éminents du parti de Donald Trump soupçonnent ce dernier de vouloir contourner la législation pour ne pas avoir à légaliser frontalement le cannabis et entrer en opposition avec son propre camp. Il pourrait donc simplement déclassifier la plante et la faire rétrograder par la DEA (Drug Enforcement Administration) de l’annexe I, qui concerne les psychotrope les plus addictifs, à l’annexe IV, réservée aux substances entraînant une dépendance très limitée. Le président actuel, Joe Biden, avait déjà demandé à la DEA la déclassification du cannabis à l’annexe III au printemps dernier, mais l’organisme ne s’est toujours pas exécuté, affirmant néanmoins qu’il donnerait bientôt suite à la demande de l’administration en place. Reste à savoir si cela interviendra bien avant l’investiture de Trump, le 20 janvier prochain.