Les études sur le cannabis se suivent et ne se ressemblent pas toujours, certaines d’entre elles étant beaucoup plus défavorables que d’autres. La dernière en date nous vient d’Égypte et met en exergue les effets du cannabis et des cannabinoïdes de synthèse sur la sexualité masculine et sa fonctionnalité tant sur le plan physiologique que psychologique, avec des conclusions peu réjouissantes.
Une étude sur le cannabis issue d’un pays arabe (tout au moins sur le plan culturel et politique) et traitant de surcroît de sexualité, voilà qui n’est pas banal et mérite probablement un intérêt accru. C’est en effet une équipe de chercheurs de l’Université du Caire qui s’est penchée sur un aspect encore peu étudié de la marijuana en explorant ses effets sur la sexualité masculine. Constatant la pauvreté des études disponibles en la matière et les résultats peu convaincants de la plupart d’entre elles, les scientifiques ont donc cherché à traiter le sujet de manière plus précise afin d’obtenir des conclusions fiables et cohérentes. La consommation de cannabinoïdes de synthèse étant croissante en Égypte, l’équipe de chercheurs les a également inclus dans l’étude, tout comme elle a tenu à évaluer la croyance répandue chez les consommateurs nationaux selon laquelle le cannabis améliore les performances sexuelles, entre autres données psychologiques et sociologiques prévues initialement.
Sur ce sujet en particulier, de précédentes recherches ont mis en lumière l’incertitude qui règne, certains utilisateurs décrivant une amélioration de leurs capacités sexuelles et un plaisir accru après avoir consommé du cannabis, alors que d’autres évoquent a contrario une libido en berne, des problèmes érectiles ou des difficultés à parvenir à l’éjaculation et à éprouver du plaisir lorsqu’ils ont utilisé de la marijuana. Il apparaît toutefois dans le premier cas que les doses ingérées ou inhalées demeurent généralement assez faibles, alors qu’elles sont globalement plus élevées, voire substantielles du côté des consommateurs affectés dans leur sexualité. Si les témoignages recueillis sont sincères, la conclusion qui s’impose est donc que le cannabis agit de manière très différente selon les individus, même si des études de contexte paraissent évidemment nécessaires. L’étude égyptienne ne semble d’ailleurs pas avoir apporté sur cette question précise de nouveaux éléments permettant d’établir des conclusions définitives.
En ce qui concerne la méthode, les chercheurs cairotes ont sollicités 90 adultes âgés de 21 à 45 ans, tous actifs sexuellement et patients de la clinique de dépendance ambulatoire de l’hôpital Kasr-Al-Ainy. Les volontaires ont ensuite été également répartis en trois groupes de 30 personne comprenant un premier panel de consommateurs de cannabis, un second groupe utilisant des cannabinoïdes de synthèse et un troisième réunissant des individus n’usant d’aucune substance cannabique. Toutes les personnes utilisant d’autres drogues, des traitements médicamenteux ou atteintes de maladies psychiatriques ou physiologiques ont été exclues de l’étude afin de ne pas nuire à la pertinence des résultats. Les volontaires sélectionnés ont répondu à de nombreuses questions posées par des psychiatres qualifiés, portant aussi bien sur leur vie personnelle et intime que sur leurs habitudes de consommation avant et après l’acte sexuel. Les médecins chargés de l’évaluation se sont également appuyés sur des outils standardisés comme l’Indice international de la fonction érectile.
L’étude menée par les scientifiques égyptiens a clairement démontré les effets délétères du cannabis sur la sexualité masculine.
Derrière ce terme très officiel, se cache en réalité « un questionnaire mesurant des aspects tels que la qualité de l’érection, l’orgasme, le désir et la satisfaction sexuels ». Quant à l’Échelle de Sexualité (sexuality Scale), que les scientifiques ont aussi utilisé, elle permet « d’évaluer l’estime de soi sexuelle, les préoccupations sexuelles et la dépression sexuelle ». Au terme des différents test et interrogatoires, les résultats ont clairement démontré que le cannabis et les cannabinoïdes de synthèse avaient une influence défavorable sur les fonctions sexuelles. En effet, les consommateurs de ces substances ont révélé des défaillances dans presque tous les domaines et obtenu des performances largement inférieures à celle du groupe témoin. Dans le détail, les deux groupes de consommateurs et en particulier ceux des cannabinoïdes synthétiques ont évoqué a des degrés divers une baisse de la libido, des difficultés d’érection ou encore une réduction du plaisir orgasmique et plus généralement une insatisfaction sexuelle.
Sur le plan psychologique, les deux groupes de consommateurs ont encore obtenu des résultats supérieurs à ceux du groupe témoin en matière de dépression et d’estime sexuelle, les cannabinoïdes synthétiques démontrant là aussi une nocivité plus importante que la marijuana. Sans grande surprise, les conclusions de l’étude ont révélé que les effets défavorables sur la sexualité étaient plus conséquents chez les consommateurs réguliers et augmentaient avec la durée de consommation et les quantités utilisées. L’enquête menée par les scientifiques égyptiens a aussi mis en lumière quelques faits intéressants et notamment que 23 % des volontaires ont justement commencé à prendre du cannabis dans le but de traiter des problèmes sexuels comme l’éjaculation précoce ou encore la baisse du désir. En réalité, la consommation de marijuana pourrait selon les chercheurs avoir aggravé les défaillances sexuelles des individus concernés plutôt que d’y remédier comme ils le pensaient au départ.
Pour expliquer ces résultats sans appel, les scientifiques de l’Université du Caire ont avancé différentes hypothèses à travers le fait que « le cannabis et les cannabinoïdes synthétiques agissent sur des récepteurs cérébraux et corporels impliqués dans le comportement sexuel et l’excitation. Les cannabinoïdes synthétiques en particulier sont beaucoup plus puissants que le cannabis naturel et se lient plus agressivement à ces récepteurs, ce qui pourrait expliquer leurs effets plus délétères. De plus, l’usage chronique de ces substances a été associé à une baisse du taux de testostérone, à des problèmes vasculaires et à des perturbations des régions cérébrales qui régulent la fonction sexuelle ». L’étude ayant été menée sur un échantillon assez restreint de volontaires, ses auteurs reconnaissent qu’elle comporte donc des limites et que « des recherches de plus grande envergure paraissent nécessaires pour confirmer leurs résultats en s’appuyant sur davantage de substances et en modifiant le contexte culturel spécifique à l’Égypte ».