Voilà tout juste un an, l’Allemagne devenait le troisième pays de l’Union européenne à légaliser le cannabis pour un usage récréatif. Un premier anniversaire qui nous donne l’occasion de dresser un bilan en demi-teinte, mais qui demeure provisoire, plusieurs études nationales et régionales destinées à dresser un panorama exhaustif de cette légalisation étant actuellement en cours outre-Rhin.
Le 1er avril 2024, l’Allemagne créait l’événement en légalisant sous conditions le cannabis récréatif. Défendue bec et ongles par l’ancien ministre de la Santé Karl Lauterbach, la loi Cannabisgesettz (ou CanG en abrégé) avait rencontré une forte opposition de certains Länder peu convaincus par les arguments des autorités fédérales. Ces dernières en effet, avaient surtout mis en exergue la lutte contre le narcotrafic et les risques sanitaires liés à la consommation de produits frelatés ou toxiques, fréquents sur le marché illégal. Finalement actée, la loi avait été assorties de conditions drastiques, parmi lesquelles être évidemment majeur, mais aussi de nationalité allemande ou résider dans le pays depuis plus de six mois. Toute personne répondant aux critères fixés par les autorités pouvait détenir jusqu’à 25 g de cannabis et faire pousser un maximum de trois plants à son domicile avec interdiction formelle de partager ou vendre sa récolte personnelle, sauf pour les membres appartenant à des clubs cannabiques.
La loi prévoyait en effet la création de clubs ou associations pouvant réunir jusqu’à 500 consommateurs de cannabis. Depuis la légalisation, environ 150 de ces « cannabis social clubs » se sont créés à travers tout le pays, demeurant néanmoins assez marginaux dans certains Länder, voire inexistants comme en Bavière où les autorités se montrent toujours particulièrement réticentes vis-à-vis du cannabis récréatif. La création d’un club est par ailleurs assez compliquée sur le plan administratif et même si les conditions ont été un peu assouplies au fils des mois, plusieurs centaines de demandes sont toujours en attente d’une validation. L’Allemagne compte aujourd’hui entre 4,5 et 5 millions de consommateurs, un chiffre approximatif qui était deux fois moins important voilà seulement quinze ans. Néanmoins, la légalisation n’a provoqué aucune explosion de la consommation dont la croissance demeure à peu près identique à ce qu’elle était avant le 1er avril 2024. Contrairement à ce que craignaient ses détracteurs, la loi Cannabisgesettz ne se révèle donc à ce jour, nullement incitative.
La légalisation du cannabis en Allemagne fête son premier anniversaire avec à la clé un bilan mitigé qui n’a pas convaincu les détracteurs de la loi.
Néanmoins, si la plupart des consommateurs sont plutôt des jeunes âgés de 18 à 25 ans, il apparaît que de plus en plus d’adultes d’âge mûr se mettent à utiliser du cannabis depuis la légalisation, mais plutôt dans un objectif thérapeutique ou relaxant. Du côté de la délinquance, la régulation de la marijuana a eu un impact significatif si l’on en croit les chiffres donnés par la police avec une diminution de 35 % des infractions liées à la drogue. Dans le détail, ce sont surtout les délits concernant l’héroïne et les amphétamines qui ont chuté respectivement de 15 et 3 % environ. La baisse du narcotrafic et du marché illégal qui constituait l’un des objectifs essentiels de la légalisation paraît également avérée mais dans une moindre mesure à l’heure actuelle, faute de données fiables. Dans ce domaine, la culture du cannabis à domicile semble avoir joué un rôle non négligeable, de même que la vente en pharmacie de produits thérapeutiques à base de cannabis, dont beaucoup étaient auparavant acquis sur le marché parallèle.
La légalisation n’a pas eu d’effet en revanche sur la consommation de cocaïne qui a augmenté d’environ 5 %, mais ce chiffre est lié à un certain nombre d’études approfondies sur les drogues qui ont été menées depuis un an et il est fort probable que cette augmentation n’avait simplement pas été détectée lors des précédentes enquêtes. Le marché noir demeure toutefois important dans le pays, les sources légales d’approvisionnement étant encore très réduites. En effet, la production tarde à se développer à cause d’une réglementation compliquée et la matière première déjà récoltée peut rester confinée dans les entrepôts de stockage pendant de trop longues périodes, dans l’attente des documents autorisant sa commercialisation. Pour ce qui concerne la vie quotidienne et notamment la sécurité routière, la légalisation n’a pas entraîné d’augmentation significative des accidents de la circulation si l’on se base sur les dernières données disponibles qui datent de novembre 2024, en tout cas à l’échelle nationale.
Localement, certaines régions comme le Bade-Wurtemberg, le Brandebourg ou encore la capitale Berlin ont enregistré davantage d’accidents dus au cannabis alors que la Rhénanie-Palatinat en a constaté moins. En Bavière ce sont les conducteurs arrêtés avec du THC dans le sang qui ont augmenté de 27 %. Des résultats variables, donc, et un bilan global que les détracteurs de la loi jugent décevant, exigeant une abolition pure et simple de cette dernière. L’Association des Médecins dénonce « un danger de banalisation », estimant que les mesures d’information et de prévention n’ont pas été suffisantes malgré les promesses du ministère de la Santé. Le syndicat de police GdP critique quant à lui les carences de la loi qui ne permettent pas d’effectuer les contrôles autour du cannabis dans de bonnes conditions et plusieurs partis politiques comme la CDU et la CSU ont joint leurs voix à celles des détracteurs de la Cannabisgesettz. Quant aux citoyens allemands, ils sont presque 40 % à se montrer favorables au maintien de la légalisation.