Le parlement australien a rejeté avant-hier le projet de loi sur la légalisation du cannabis récréatif, présenté par les écologistes. Une déception pour les partisans de la légalisation et pour le parti vert qui milite depuis des années pour l’adoption d’une réglementation en faveur du cannabis récréatif et avait déjà fait campagne en 2018 avec un programme similaire resté lettre morte.
Ce mercredi 27 novembre était un jour important pour les défenseurs du cannabis, puisque c’était la première fois que le parlement australien se prononçait électoralement sur un projet de loi national concernant la légalisation récréative de la plante. En effet, si la culture, la vente et la consommation du cannabis thérapeutique sont légales dans tout le pays depuis février 2016, le cannabis récréatif est quant à lui toujours interdit au niveau fédéral, même si certains États ont dépénalisé son usage et sa possession pour des quantités limitées. Depuis bientôt dix ans, le succès du cannabis médical ne se dément pas, puisque les Australiens ont dépensé quelque 400 millions de dollars pour en acquérir durant les six premiers mois de l’année en cours. Un marché très important, donc et qui pourrait bien devenir tout simplement colossal si le chanvre récréatif venait s’y adjoindre, même si ce n’est pas la raison principale qui pousse le parti écologiste à militer en sa faveur depuis plus de sept ans.
En tête du combat pour sa légalisation, le sénateur David Shoebridge membre des Australian Greens, le parti écologiste de l’île fondé en 1992. En 2018, les Verts avaient déjà mené une campagne pour le cannabis récréatif avec l’appui de Legalise Cannabis, un parti politique créé en 1993 par Nigel Quinlan et qui milite depuis ses débuts pour une réglementation fédérale du chanvre, sans beaucoup de résultats jusqu’à aujourd’hui malgré quelques succès électoraux à l’échelle locale. Après l’échec de cette première campagne qui n’avait débouché sur aucune mesure juridique, les Verts ont relancé fin 2022 le débat sur la légalisation, avec cette fois-ci un projet de loi détaillé révélé au public l’année suivante. Ce dernier proposait en premier lieu de décriminaliser le cannabis au niveau fédéral pour tous les adultes majeurs, mais aussi la création d’une agence nationale responsable de l’octroi des licences. Il préconisait également de légaliser la culture et la transformation de la plante dans le cadre privé pour un usage personnel.
Plus de la moitié des Australiens sont favorables à un projet de loi sur la légalisation du cannabis récréatif.
La création de clubs et bars destinés à accueillir les consommateurs de cannabis était elle aussi envisagée, mais le projet des Verts insistait surtout sur la protection des petits producteurs en interdisant aux grandes entreprises de produits récréatifs comme l’alcool ou le tabac de mettre la main sur le marché du chanvre. Selon ses rédacteurs, ce projet de loi trouvait sa légitimité dans un certain nombre de raisons économiques et sociales avec des prévisions de recettes supérieures à 30 milliards de dollars australiens sur dix ans et une diminution importante du trafic illégal, mais aussi une approbation de la majorité du peuple australien. Ce dernier point était confirmé par une étude de l’institut de sondages international YouGov menée au début de l’année et dans laquelle 50 % des Australiens se disaient prêts à soutenir un projet de loi en faveur du cannabis récréatif, contre seulement 31 % exprimant leur désaccord. Les électeurs écologistes étaient les plus favorables au projet avec 70 % de réponses positives, suivis des jeunes de 18 à 24 ans avec 63 %.
Fort de ses nombreux aspects positifs, le projet de loi a donc été présenté le 10 août 2023 par David Shoebridge devant le Sénat, qui a nommé une commission chargée d’enquêter sur le projet et d’en interpréter les grandes lignes avec le concours des professionnels de la filière cannabique. L’enquête a débuté le 10 mai 2024 et la commission a rendu son rapport le 31 du même mois, conclu par une admission au vote des sénateurs. Ceci, malgré l’opposition du Comité sénatorial des affaires législatives et constitutionnelles qui avait recommandé avec d’autres détracteurs le rejet du projet de loi, avançant des risques pour la santé des plus jeunes et une augmentation inéluctable de la consommation de cannabis, qui n’a pourtant pas été constatée dans les pays où le cannabis récréatif est légal. Le vote des sénateurs s’est donc tenu ce mercredi 27 novembre avec à la clé une défaite pour le parti des Verts, puisque le projet de loi a été largement rejeté par 24 voix négatives contre seulement 13 votes en faveur de la légalisation, dont ceux des 11 sénateurs verts.
Malgré cet échec dû notamment au refus du parti travailliste au pouvoir, David Shoebridge a tenu à demeurer optimiste en déclarant : « Nous avons fait un grand pas aujourd’hui (…) en proposant un modèle plus sûr, réduisant les méfaits et répondant au souhait de millions d’Australiens qui veulent simplement que nous légalisions le cannabis. » Shoebridge a également ajouté que « Les partis travailliste et de la coalition se sont unis pour essayer de maintenir l’Australie dans les années 1950 en bloquant cette réforme désespérément nécessaire. » Le sénateur des Verts a promis sur le réseau social X que son parti n’abandonnerait pas la lutte pour la légalisation du cannabis et a affirmé que celle-ci était de toute façon inévitable, le soutien au projet de loi étant majoritaire parmi la population australienne. L’opposition au projet quant à elle, a justifié son refus par le fait que l’enquête sénatoriale du printemps n’avait pu déterminer avec certitude la constitutionnalité du projet et que « Les lois traitant de la possession et de l’utilisation récréatives du cannabis relevaient des États et des territoires et non du gouvernement fédéral. »