Entériné en 2023 par le Laboratoire de Cannabis de Santé canadien sous la houlette du ministère de la Santé, le programme de collecte de données sur le cannabis a recueilli dans tout le pays pendant presque deux ans de nombreux renseignements sur la composition, la qualité, la disponibilité et la distribution des produits à base de cannabis. Les conclusions de cette vaste enquête ont été rendues publiques à la fin de la semaine et ont réservé de nombreuses surprises.
Légalisé en 2001 pour un usage médical et en 2018 sous sa forme récréative, le cannabis est désormais bien implanté au Canada où il constitue une industrie presque comme les autres. Et, à l’instar de nombreuses filières agricoles, il peut faire l’objet d’enquêtes ou de contrôles administratifs comme ceux menés depuis 2023 par un laboratoire spécialisé mandaté par l’État fédéral. Un premier « état des lieux » du cannabis récréatif et médical sous forme d’une collecte de données visant à informer les citoyens sur la nature des produits qu’ils consomment et leurs éventuels dangers, mais aussi pour les autorités, à mieux réglementer l’industrie. Ce programme de collecte ne visait pas uniquement les produits légaux, mais également le cannabis illégal afin de pouvoir comparer les deux marchés. Au total, les enquêteurs ont recueilli cent échantillons de fleurs de cannabis séchées dont la moitié provenait de la filière légale et l’autre du trafic illicite, sur lesquels ils ont mené une série d’analyses exhaustives.
Publiés samedi, les résultats du programme ont tout d’abord révélé que la moitié des 50 échantillons légaux analysés affichaient des niveaux de THC inférieurs à 80 % de ce qui était indiqué sur l’emballage. Pour ce qui concernait les fleurs illégales les taux de THC étaient compris entre 10 et 25 %, sans pouvoir évidemment être comparés aux indications d’étiquetage, les trafiquants n’ayant pas l’habitude de vendre des produits ayant fait l’objet d’un conditionnement validé par les autorités… Plusieurs autres analyses ont été menées par le Laboratoire de Cannabis de Santé, parmi lesquelles la présence de métaux lourds, les pesticides, les mycotoxines ou encore la contamination microbienne. Pour ce qui concerne ces trois derniers éléments, les taux étaient nettement plus élevés dans les échantillons de cannabis illégal, contrairement aux métaux lourds que l’on trouvait parfois en plus grande quantité dans les fleurs licites.
Les fleurs issues du marché illicite se sont révélées bien plus toxiques que celles provenant de la filière légale.
Les analyses ont ainsi révélés dans la majorité des échantillons légaux ou non la présence de plusieurs métaux et notamment du cuivre, du nickel et du molybdène à des concentrations supérieures aux normes admises par les autorités de santé du Canada. Concernant les métaux lourds, le plomb, l’arsenic, le cadmium et le mercure étaient plus fréquents dans les échantillons issus du marché parallèle, mais presque tous accusaient des taux inférieurs aux normes légales, à l’exception d’un seul comportant des niveaux élevés d’arsenic. Dans le détail, ce dernier élément était présent dans 44 % des produits illicites contre 18 % dans les échantillons de fleurs autorisées, le cuivre dans tous les échantillons (100 % des produits licites et 98 % des illégaux dépassant la limite autorisée), le molybdène dans presque toutes les fleurs également, 74 % des échantillons légaux dépassant la norme, contre seulement 16 % des produits illégaux. Enfin, le nickel était présent à peu près dans les mêmes quantités pour les deux cas (78 % des produits légaux et 72 % des échantillons illicites).
Du côté des mycotoxines produits par des moisissures et pouvant engendrer un certains nombre de problèmes gastriques et intestinaux, six échantillons issus du marché illégal ont été testés positivement, alors qu’aucune n’a été trouvée dans les produits légaux parmi les six types analysés. Concernant la pureté des fleurs et la réalité de la culture biologique vantée par de nombreux industriels, celle-ci a été confirmée par l’absence quasi totale de pesticides dans les fleurs issues du marché légal. Seuls deux échantillons ont montré des traces infimes de pesticides. En revanche, 94 % des produits illégaux contenaient une moyenne de 3,4 pesticides différents pour un total de 24 pesticides identifiés, avec parfois un niveau de présence substantiel et particulièrement délétère pour la santé des consommateurs. Même chose pour les contaminants microbiens largement représentés parmi les échantillons illégaux, avec des taux dépassant souvent les normes.
Parmi ces contaminants on comptait notamment des agents pathogènes et des bactéries susceptibles de provoquer des infections respiratoires. Dix échantillons légaux tout de même contenaient également des contaminants microbiens dépassant le niveau autorisé, ce qui a conduit à un rappel des produits incriminés. Les fleurs illégales quant à elles étaient 55 % à receler des pathogènes dans des quantités dépassant parfois très largement la norme. Concernant la provenance des échantillons légaux, ils avaient été récoltés auprès de 50 producteurs sous licence à travers tout le pays, les produits illicites étant quant à eux issus de saisies effectuées par les forces de l’ordre. Grâce à ce premier programme de collecte, les autorités de Santé ont pu constater la toxicité des produits illégaux par rapport à ceux issus de la filière légale et prévoient donc de s’appuyer sur ses résultats pour donner une information éclairée aux consommateurs. Ce programme devrait également être reconduit régulièrement.