La légalisation fédérale du cannabis aux USA ne cesse de traîner en longueur et constitue jusqu’à aujourd’hui un vœu pieux, la plante n’ayant même toujours pas été reclassée en annexe III depuis la recommandation du ministère de la Santé à l’été 2023. Le débat a été relancé cette semaine par des représentantes démocrates qui ont déposé un projet de loi susceptible de déblayer un peu la route semée d’embûches vers la légalisation.
Au milieu de l’été 2023, le ministère de la Santé et des services sociaux du gouvernement Biden envoyait à la DEA (Drug Enforcement Administration) une recommandation afin de déclassifier le cannabis en annexe III avec les produits entraînant une faible dépendance comme la codéine, les stéroïdes anabolisants ou la kétamine. Examinée et approuvée par le ministère de la Justice, la recommandation des autorités de santé a donc été publiée en mai 2024 sous la forme d’une proposition de réglementation par la DEA (qui dépend du ministère de la Justice) et signée par le procureur général Merrick Garland, occupant ce poste à l’époque. Cet avis de reclassification avait alors occasionné des dizaines de milliers de commentaires et entraîné au mois de janvier dernier l’ouverture d’une audience publique chargée de recueillir des preuves et des témoignages démontrant la nécessité de reclasser le cannabis à l’annexe III, même si dans les faits, cette décision ne donnera nullement un blanc-seing à la filière du chanvre.
En effet, le cannabis étant toujours classé à l’annexe I avec les drogues dangereuses comme l’héroïne, le LSD ou les ecstasy, sa classification dans la catégorie III serait certes moins restrictive mais n’empêcherait guère les contrôles réglementaires spécifiques au cannabis et les obligations décrites dans la loi. Les professionnels seraient ainsi tenus de s’enregistrer auprès de la DEA, de procéder à des inventaires périodiques obligatoires, de tenir des registres et de garantir la sécurité de tous leurs produits contenant du cannabis. En bref, toutes les procédures administratives qui empoisonnent la bonne marche du commerce et que seule la légalisation pourrait abolir même si la question ne se pose pas actuellement, puisque la déclassification est toujours suspendue à la suite d’une décision d’un juge de la DEA. Une suspension qui pourrait se prolonger encore longtemps puisqu’il n’existe pas de délai légal, mais dont une proposition de loi déposée mercredi par des représentantes du parti démocrate pourrait tout de même accélérer l’issue…
Une proposition de loi démocrate qui pourrait faire avancer le combat pour la légalisation du cannabis au niveau fédéral.
Lors d’une manifestation organisée à Washington devant le Capitole par l’association Last Prisoner Project, qui milite depuis 2019 pour la libération de toutes les personnes incarcérées à la suite de condamnations liées à la consommation et détention de cannabis, les membres démocrates du Congrès Dina Titus (Nevada) et Ilhan Omar (Minnesota) ont ainsi annoncé le dépôt d’un nouveau projet de loi sur le cannabis. Coprésidentes du Congressional Cannabis Caucus, un groupe de membres du Congrès des États-Unis dont le but est d’harmoniser les lois étatiques sur le cannabis entrant en conflit avec la loi fédérale, les deux femmes ont dévoilé au public le contenu de leur proposition. Parmi celles-ci, la suppression d’une restriction empêchant le responsable de la lutte contre la drogue attaché à la présidence de plaider en faveur de la légalisation du cannabis. Une loi fédérale interdit en effet au directeur de l’ONDCP (bureau de la politique nationale de contrôle des drogues de la Maison Blanche) « de promouvoir une réforme autour des drogues de l’annexe I ».
Cette loi stipule plus précisément « qu’aucun fonds fourni à l’ONDCP ne peut être utilisé pour toute étude ou tout contrat relatif à la légalisation (pour un usage médical ou tout autre usage) d’une substance inscrite à l’annexe I ». Le directeur du bureau doit en outre « prendre les mesures nécessaires pour s’opposer à toute tentative de légalisation de l’utilisation d’une substance (sous quelque forme que ce soit) qui figure à l’annexe I et qui n’a pas été approuvée pour une utilisation à des fins médicales par la Food and Drug Administration (FDA) ». C’est cette disposition que le projet de loi des responsables démocrates vise à abroger en priorité, proposant également « une législation bipartite visant à mettre fin à la prohibition fédérale dans les États où le cannabis est légal et à faciliter l’accès de la filière aux services bancaires », cette dernière résolution ayant été évoquée par Donald Trump lui-même peu avant son élection. La loi encadrant l’ONDCP a par ailleurs été vigoureusement dénoncée par Dina Titus.
« Notre proposition supprimerait les restrictions obsolètes, qui sont tout simplement ridicules. Non seulement les responsables de l’ONDCP n’ont pas le droit de financer la moindre recherche sur les drogues de l’annexe I, mais ils ne peuvent même pas en parler, ce qui prouve à quel point c’est absurde ! (…) Si nous parvenons à nous débarrasser de cette politique archaïque, nous pourrons commencer à étudier certains des avantages du cannabis, notamment son utilisation et ses implications médicales », a ainsi déclaré la représentante démocrate. Cette abrogation de la loi pesant sur l’ONDCP paraît d’autant plus nécessaire que la directrice du bureau, Sara Carter, est plutôt favorable au cannabis qu’elle a qualifié « d’option thérapeutique fantastique pour les patients gravement malades » et ne voyant aucune objection à sa légalisation. Ilhan Omar a quant à elle appuyé les propos de sa collègue en affirmant que « le peuple américain soutient massivement la réforme du cannabis, et pourtant le gouvernement fédéral continue de lier les mains de ses propres experts. Nous avons besoin d’une politique en matière de drogues qui s’appuie sur les données scientifiques et reflète la réalité du terrain dans tous les États du pays. »













