AccueilBusinessCannabis médical, la colère australienne

Cannabis médical, la colère australienne

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Si l’Australie a été l’un des premiers pays à légaliser le cannabis médical, l’industrie n’est jamais parvenue à prendre une place prépondérante dans cette économie, tant au niveau national qu’international. Les producteurs de chanvre sont même actuellement en grande difficulté au « pays d’en bas » et se sont regroupés pour manifester leur inquiétude et leur colère auprès des autorités fédérales.

Cela fera bientôt dix ans que l’Australie a légalisé le cannabis médical. Le 24 février 2016, le gouvernement fédéral autorise en effet la prescription de médicaments à base de chanvre et rend légal la production de cannabis à compter du mois de septembre de la même année. À peine deux ans plus tard, en 2018, le gouvernement australien annonce même vouloir se positionner comme le quatrième pays du monde à autoriser l’exportation de cannabis médical et d’en devenir à moyen terme le leader mondial. Une ambition qui va hélas rester lettre morte, le pays se voyant rapidement supplanter par d’autres industries bien plus florissantes comme celle du Royaume-Uni qui assure aujourd’hui 45 % de la production mondiale de chanvre thérapeutique et en est de très loin le premier exportateur avec pas moins de 70 % du marché international. Des chiffres qui font évidemment rêver les Australiens et surtout les producteurs de chanvre locaux, la plupart d’entre eux traversant actuellement une très mauvaise passe économique.

Celle-ci est principalement liée aux importations issues de différents pays étrangers qui ont pris depuis quelque temps une place prépondérante. À un point tel que les producteurs de chanvre australiens viennent d’adresser au gouvernement une mise en garde contre la perspective de nombreuses faillites et échecs « catastrophiques » au sein de la filière, qui s’est fédérée pour défendre ses intérêts en un groupement baptisé Australian Cannabis Cultivator Guilde. Réunissant plus de 80 % des producteurs du pays, cette nouvelle organisation dénonce notamment l’explosion de produits importés de très mauvaise qualité, voire nocifs pour les usagers et sur lesquels aucun contrôle n’est exercé. La Therapeutic Goods Administration, à qui incombe normalement la charge de ces vérifications, a elle-même reconnu qu’elle ne testait pas les produits importés au grand dam des professionnels du secteur, qui ont « lancé un appel en faveur de tests rigoureux et systématiques pour garantir la sécurité des 1,2 million d’Australiens consommant du cannabis médical ».

Le gouvernement australien multiplie les importations de cannabis thérapeutique au détriment des producteurs locaux.

L’Australian Cannabis Cultivator Guilde a d’autre part envoyé un courrier aux responsables compétents (ou pas…) les exhortant à réduire substantiellement les importations, rédigé en ces termes : « Sans changement, nous nous attendons à voir des échecs catastrophiques chez les cultivateurs locaux, entraînant des faillites qui auront un impact durable sur l’approvisionnement australien. La trajectoire actuelle se terminera avec peu ou pas de producteurs locaux et un marché entièrement approvisionné par des importations en provenance de pays qui n’autorisent pas les importations réciproques ». En effet, si les importations sont normalement destinées à pallier un défaut de production nationale lorsque le niveau correspondant à la demande du marché n’est pas atteint, il semble que les autorités soient enclines à en abuser, eu égard au coût beaucoup moins élevé de certains produits étrangers. Ceci hélas, au détriment de la production locale, mais également à celui de la qualité et de la sécurité.

Ainsi en 2023, ce n’est pas moins de 61 % du cannabis thérapeutique qui a été importé en Australie, alors que les professionnels de la filière affirment qu’ils sont largement en capacité d’assurer la totalité de la production nécessaire, mais que le coût très élevé des licences et les difficultés pour les obtenir ne leur permettent pas de rivaliser avec les produits importés. Certaines entreprises australiennes ont même externalisé une partie de leur activité hors du pays afin de pouvoir s’aligner sur les tarifs de de la concurrence étrangère et bénéficier de procédures moins contraignantes et de taxes légales réduites à la portion congrue. En effet, les agriculteurs australiens doivent payer quelque 50 000 dollars par an pour la licence d’exploitation, ce qui représente une somme très importante pour une entreprise débutante dont la mise en place peut prendre jusqu’à quatre ans sans aucun bénéfice issu des récoltes. Et cela, sans compter les frais de contrôle et des inspections de routine dont le coût se situe entre 4 800 et 12 800 dollars.

Les importateurs en revanche ne doivent s’acquitter d’aucune taxe de licence et certains pays refusent même la réciproque, interdisant chez eux le cannabis médical en provenance d’Australie. C’est le cas notamment du Canada, qui est pourtant le principal importateur de chanvre thérapeutique au pays des kangourous et qui pourrait bien prendre encore plus de place si rien n’est fait pour améliorer le sort des producteurs nationaux. Plusieurs d’entre eux ont déjà mis la clé sous la porte et il reste un peu moins d’une trentaine de licenciés sur tout le territoire, bénéficiaires du permis nécessaire à l’agriculture et à la production de chanvre. Pourtant, la demande en cannabis thérapeutique augmente chaque année et la nécessité d’une production locale pourrait devenir encore plus cruciale si le cannabis récréatif venait à être légalisé dans les années à venir. Plusieurs propositions de loi allant dans ce sens ont déjà été émises par différents responsables politiques, pour l’instant sans succès, mais l’opinion publique est de plus en plus ouverte à la légalisation du cannabis avec presque 50 % des Australiens qui s’y montrent désormais favorables, tout comme de nombreuses personnalités politiques.

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