AccueilActualitésLégislationÀ Malte, une loi sur l'odeur du cannabis très critiquée

À Malte, une loi sur l’odeur du cannabis très critiquée

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Si la consommation de cannabis est légale à Malte, les détracteurs de la plante demeurent suffisamment influents pour que le gouvernement ait décidé de durcir la loi la semaine dernière, en sanctionnant les nuisances olfactives générées par ses effluves. Une initiative vivement critiquée et dénoncée par de nombreux acteurs de la filière, mais aussi plusieurs associations et organisations non gouvernementales.

Le 14 décembre 2021, Malte devient le premier pays de l’Union européenne à légaliser le cannabis récréatif, presque quatre ans après avoir autorisé le chanvre thérapeutique. Depuis cette date, les personnes majeures peuvent transporter jusqu’à 7 grammes de cannabis et chaque foyer cultiver à son domicile jusqu’à 4 plants et posséder au maximum 50 g de matière séchée ou transformée. Les Maltais qui consomment de la marijuana ont également la possibilité de former des associations connues sous le terme de Cannabis Social Club où il est permis de cultiver la plante et d’en distribuer aux membres. Les organisations à but non lucratif ont elles aussi l’autorisation de produire du cannabis et de le vendre à 500 consommateurs maltais membres d’un club. Il demeure en revanche interdit de fumer du cannabis dans les lieux publics et la possession dans ce cadre d’une quantité de marijuana comprise entre 8 et 28 g est sanctionnée par une amende de 45 à 90 euros, sans inscription au casier judiciaire.

Il faut savoir néanmoins que la légalisation souhaitée par le Premier ministre Robert Abela et son gouvernement, puis validée par le président George Vella en poste à l’époque n’a pas fait l’unanimité et que ses détracteurs sont restés vigilants, dénonçant sans faillir toutes les nuisances pouvant s’y rapporter de près ou de loin. Plusieurs observateurs suggèrent que le gouvernement a d’ailleurs voulu relâcher un peu de pression en modifiant la semaine dernière la loi sur le cannabis et témoigner ainsi de sa fermeté en la matière. Le 12 mai, les autorités ont donc ajouté plusieurs amendements à la loi de 2021 afin de « clarifier les lois sur le cannabis, renforcer la réglementation des associations et aligner la politique nationale sur la jurisprudence européenne ». Dans cette dernière perspective, l’une des modifications de la loi concerne le statut du cannabis et sa définition, afin de distinguer les molécules psychotropes comme le THC et celles qui ne le sont pas, à l’instar du cannabidiol.

Une forte amende est désormais prévue pour les consommateurs de cannabis dont l’odeur pourrait incommoder le voisinage ou n’importe quel autre tiers.

Le gouvernement a précisé que « cela permettrait de mettre un terme à la confusion qui continue à régner autour des fleurs de CBD, considérées par la police comme des stupéfiants malgré leur innocuité », mais aussi de se mettre en conformité avec le droit européen qui considère le CBD comme un produit légal et libre de circuler dans l’espace de l’UE depuis l’arrêt « Kanavape » de 2020. Les autres amendements concernent notamment un renforcement des sanctions avec par exemple des amendes dont le montant sera porté à 9 000 euros en cas de présence d’un mineur dans un club de cannabis. Pour une infraction grave en matière de drogue, l’astreinte financière passera quant à elle de 9 000 à 45 000 euros et le règlement devrait également être plus contraignant pour les associations qui devront être situées à au moins 250 mètres d’écoles ou d’installations sportives et adapter leur stock de cannabis à la demande réelle. Mais l’amendement qui a le plus fait réagir les défenseurs du cannabis concerne l’odeur dégagée par la plante.

La nouvelle réglementation prévoit en effet de punir d’une contravention de 210 euros les utilisateurs de cannabis ayant fait l’objet d’une plainte de voisins incommodés par l’odeur de la plante. Si les plants de cannabis sont visibles par autrui ou accessibles à des mineurs, l’amende pourra monter jusqu’à 450 euros selon le nombre d’infractions retenues. Avec la loi révisée, ces sanctions pécuniaires s’appliqueront « dans tout lieu où l’émission d’odeurs peut causer une nuisance aux tiers ». Afin de justifier cet amendement, le président de l’Autorité pour l’Utilisation responsable du Cannabis (ARUC), Joey Reno Vella, a déclaré que l’organisme qu’il dirigeait « recevait de multiples plaintes de la part de personnes affirmant que l’odeur du cannabis venant d’un voisin constituait une nuisance et que beaucoup de consommateur fumaient sur leurs balcons sans se soucier du voisinage ». Pour éviter les désagréments et les sanctions que cela pouvait entraîner, Reno Vella a par ailleurs suggéré aux consommateurs d’investir dans des solutions de filtration de l’air.

Cette modification de la loi concernant les effluves de cannabis a suscité l’indignation de nombreux professionnels et consommateurs de cannabis, mais aussi de ReLeaf Malta et Moviment Graffiti, deux ONG maltaises très actives et réputées dans le pays. Elles ont résolument condamné la nouvelle réglementation et en particulier l’intrusion dans la vie privée que constituait la directive sur les odeurs, qu’elles ont également décrite comme une décision « perpétuant la stigmatisation sociale négative associée à la consommation de cannabis ». Les deux organisations ont même publié une déclaration commune « soulignant leur profonde préoccupation au sujet des nouvelles dispositions juridiques (…) qui menacent les progrès réalisés dans les précédentes réformes visant à dépénaliser la consommation et la culture du cannabis ». Enfin, elles ont invité le gouvernement à « à défendre les valeurs fondamentales de la réforme, à savoir les droits de l’homme, la réduction des risques et un modèle communautaire et non commercial ».

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