L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) vient d’annoncer l’interdiction à partir du 3 juin prochain de 13 nouvelles molécules issues du cannabis. Une décision attendue, mais que beaucoup de professionnels du CBD n’envisageaient probablement pas dans des délais aussi brefs.
Comme nous le présagions dans la dernière édition de CBD Actu (voir notre article « La Revanche du CRD » dans le N°13), l’ANSM est donc passée à l’acte, sans doute un peu plus vite qu’attendu, en classant le 22 mai dernier plusieurs cannabinoïdes largement utilisés par le marché du cannabis légal parmi les stupéfiants. Dans un communiqué détaillé, publié sur son site le vendredi 24 mai, l’organisme de santé énumère les différents produits désormais interdits à la vente, incluant au passage le HHC, le HHCO et le HHCP dont la commercialisation est déjà prohibée depuis le 12 juin 2023.
Dans une semaine, viendront donc s’ajouter à la liste le H4-CBD et le H2-CBD, deux cannabinoïdes hémisynthétiques (des substances naturelles modifiées chimiquement) bien connus de la filière CBD, mais aussi plusieurs dérivés de cannabinoïdes comprenant le HHCPO, le THCP et le THCA. Enfin, huit cannabinoïdes synthétiques sont également mis à l’index, le 5F-Cumyl-Pegaclone (ou 5F-SGT-151), le Cumyl-CH-Megaclone (ou SGT-270), le 7APAICA, le 5F-7APAICA, le Cumyl-P7AICA, le 5F-Cumyl-P7AICA, le BZO-Hexoxizid (ou MDA-19) et le BZO-Poxizid (ou 5C-MDA-19).
Issu de l’oxydation du THC, le cannabinol (CBN), était lui aussi sur la sellette, mais échappe pour l’instant à la sanction, les membres du Conseil scientifique n’étant pas parvenus à se mettre d’accord sur son interdiction. Son avenir demeure toutefois incertain, puisqu’il devrait faire l’objet d’une analyse complémentaire afin d’évaluer sa potentielle nocivité.
De nombreux effets secondaires dont certains potentiellement graves
Cette décision fait suite à un rapport du Comité scientifique permanent en charge des psychotropes publié en février dernier, mettant notamment en exergue les dangers de ces différentes substances pour la santé du consommateur, ainsi que les risques d’abus et de dépendance potentiels qu’ils peuvent entraîner. Parmi les effets nocifs l’ANSM décrit « des vomissements, une perte de connaissance, un coma, des convulsions, une paranoïa, de l’anxiété, une hypertension artérielle, une tachycardie » et va même plus loin en affirmant que « ces substances miment les effets du THC, principal composant psychoactif du cannabis, avec des effets graves et plus intenses que ceux ressentis avec la consommation de cannabis ».
L’ANSM affirme s’être penchée sur ces différentes substances à la suite de signalements d’effets graves effectués par consommateurs auprès de centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A). Une centaine de plaintes auraient ainsi été déposées depuis le mois de septembre dernier, décrivant des effets suffisamment délétères pour conduire à une hospitalisation dans presque la moitié des cas rapportés.
Une décision qui risque d’avoir des conséquences économiques sur la filière du CBD
Du côté des professionnels de la filière CBD, les réactions sont encore timides, mais les répercussions économiques devraient se faire sentir pour un certain nombre d’entre eux, les molécules prohibées étant utilisées dans de nombreux produits transformés ou dérivés comme les confiseries, tisanes, e-liquides ou résines. Il y a également fort à parier que de nouveaux cannabinoïdes de synthèse ayant des effets similaires sont actuellement en préparation ou même déjà commercialisés par la filière, comme ce fut le cas lors de l’interdiction du HHC.
Rappelons que l’inscription d’un cannabinoïde sur la liste des stupéfiants implique l’interdiction de sa vente, mais aussi de sa consommation, ainsi que les sanctions y afférent, soit un an de prison et 3750 euros d’amende, comme le prévoit l’article L3421-1 du Code de Santé publique.