La légalisation fédérale du cannabis récréatif aux USA n’a guère avancé depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement en janvier dernier et même sa reclassification à l’annexe III, enclenchée lors de la mandature précédente n’a toujours pas été validée. Malgré cet immobilisme, le cannabis a connu en début de semaine un regain d’intérêt avec un vote important à la Chambre des représentants en direction des anciens combattants qui en font usage dans le cadre de leurs traitements médicaux. Explications.
Au milieu de l’automne 2022, le président Joe Biden avait demandé au ministère de la Santé et a la DEA (Drug Enforcement Administration), chargée du contrôle des drogues et de la lutte contre le trafic, d’examiner la possibilité d’un reclassement de la marijuana de l’annexe I à l’annexe III. Quelques mois plus tard, au cours de l’été 2023, le ministère de la Santé avait alors recommandé à la DEA de valider la reclassification du cannabis, après une évaluation scientifique rigoureuse menée par ses services. Enfin, au mois de mai 2024, la DEA avait proposé un programme de transition de la marijuana vers l’annexe III suscitant autant d’approbation que de controverses, mais créant en tout cas un vif débat qui avait engendré plus de 42 000 commentaires de citoyens américains concernés par le sujet. L’administration avait alors annoncé en août de la même année qu’elle tiendrait des audiences publiques sur cette proposition de reclassement dans un délai raisonnable, avant d’en préciser finalement la date, fixée au 21 janvier 2025, soit un jour seulement après l’investiture du nouveau président dont on ignorait alors le nom.
Mais las, les audiences n’ont finalement pas eu lieu, suspendues par John Mulrooney, juge en chef du droit administratif de la DEA. Ce dernier avait ainsi répondu aux réclamations des défenseurs du cannabis prévus pour participer aux audiences et qui avaient mis en accusation la DEA lors de la sélection des témoins en octobre 2024. L’agence avait en effet été accusée d’avoir largement privilégié les témoignages dénigrant le cannabis récréatif, plutôt que ceux plaidant en sa faveur, mais aussi d’avoir exclu sans justification plusieurs participants aux audiences partisans du reclassement de la marijuana. La suspension ordonnée par le juge Mulrooney devait durer au minimum 90 jours, mais cela fait maintenant presque six mois que les audiences sur la reclassification sont en attente et risquent de le rester encore longtemps, les dirigeants de la DEA ayant en outre été remplacés par la nouvelle administration. Ainsi en avril dernier, l’Office National du Contrôle des Drogues (ONDCP) n’a même pas évoqué la reclassification parmi les priorités du gouvernement Trump en matière de drogues.
Les anciens combattants pourront désormais profiter des traitements à base de cannabis recommandés par les médecins de l’Administration des Vétérans.
Malgré ce revers témoignant de la complexité du sujet et des fortes oppositions qui perdurent vis-à-vis de sa légalisation fédérale, les défenseurs du cannabis ont remporté en début de semaine une petite victoire avec l’approbation par la Chambre des Représentants d’amendements à un projet de loi de dépenses, concernant le chanvre médical délivré aux anciens combattants. En effet, les médecins exerçant au sein du Ministère des anciens Combattants (ou VA, pour Veterans Administration) avaient jusqu’à maintenant via la directive 1315 l’interdiction d’émettre des recommandations permettant aux vétérans de guerre de participer à des programmes de cannabis thérapeutique et ce, même dans les États où celui-ci est légal. Le premier des amendements validés par la Chambre empêche désormais l’application de la directive 1315 et permettra donc aux anciens combattants de profiter, comme les civils, des dispositifs médicaux utilisant du cannabis et approuvés par les États ayant légalisé.
Le second amendement approuvé par les Représentants de l’État fédéral devrait quant à lui permettre une expansion des moyens et un accès facilité à la recherche sur le cannabis médical et les psychédéliques. En effet, de nombreux anciens combattants utilisent des produits pharmaceutiques traditionnels pour apaiser les douleurs chroniques dues à des blessures ou des atteintes physiques, mais aussi pour soigner le stress post-traumatique, fréquent chez les militaires. Les effets secondaires de ces thérapies chimiques sont hélas importants et conduisent fréquemment à des surdosages et des suicides anormalement élevés chez les anciens combattants. Le second amendement au projet de loi de dépenses devrait donc permettre d’élargir la recherche en direction de nouveaux traitements plus naturels et avec moins d’effets secondaires, à base de cannabinoïdes ou de molécules classées parmi les psychédéliques comme la MDMA ou la psilocybine. Ces dernières ont déjà fait l’objet d’études cliniques prometteuses dans le traitement des traumatismes et des troubles mentaux chez les soldats démobilisés.
Ces amendements sont basés sur la « loi d’égalité d’accès aux anciens combattants » qui n’a jamais été validée, mais a été à nouveau déposée devant les législateurs en février dernier par Brian Mast, un ancien combattant qui a perdu ses deux jambes au combat et est aujourd’hui coprésident du Congressionnal Cannabis Caucus, un groupe de travail formé en 2017 au sein du Congrès américain. Comme bien d’autres défenseurs du cannabis et anciens combattants adeptes des traitements au chanvre, Mast s’est félicité de l’approbation des amendements par la Chambre des Représentants en déclarant : « Les anciens combattants n’ont pas accès à des traitements légaux et disponibles pour les civils dans leur propre État. Il est temps que nous les traitions avec le respect et l’autonomie qu’ils méritent et ils doivent avoir des options en dehors des médicaments ordinaires, souvent dangereux. Dans de nombreux États, il existe des programmes médicaux légaux de cannabis, et ils doivent avoir la capacité, lorsqu’ils sont vus par leur médecin à l’intérieur de la VA, d’avoir des discussions sur la question de savoir si le cannabis leur convient ou non ».